Où êtes-vous heureux ?

"une scène de théâtre est un des lieux du monde où je suis heureux

Pourquoi je fais du théâtre, Albert Camus  


"Eh bien je me le suis souvent demandé. Et la seule réponse que j’ai pu me faire jusqu’à présent vous paraîtra d’une décourageante banalité : tout simplement parce qu’une scène de théâtre est un des lieux du monde où je suis heureux. "


ALBERT CAMUS : POURQUOI JE FAIS DU THEATRE

Eh bien je me le suis souvent demandé. Et la seule réponse que j’ai pu me faire jusqu’à présent vous paraîtra d’une décourageante banalité : tout simplement parce qu’une scène de théâtre est un des lieux du monde où je suis heureux. Remarquez d’ailleurs que cette réflexion est moins banale qu’il y paraît. Le bonheur aujourd’hui est une activité originale. La preuve est qu’on a plutôt tendance à se cacher de l’exercer, à y voir une sorte de ballet rose dont il faut s’excuser. Là dessus tout le monde est bien d’accord ! Je lis parfois, sous des plumes austères, que des hommes d’action ayant renoncé à toute activité publique se sont réfugiés ou se sont abrités dans leur vie privée. Il y a un peu de mépris, non, dans cette idée de refuge ou d’abri ? De mépris, et, l’un ne va pas sans l’autre de sottise. Pour ma part, en effet, je connais beaucoup plus de gens, au contraire, qui se sont réfugiés dans la vie publique pour échapper à leur vie privée. Les puissants sont souvent des ratés du bonheur ; cela explique qu’ils ne sont pas tendres.

Où en étais-je ? Oui, le bonheur. Eh bien, pour le bonheur aujourd’hui, c’est comme pour le crime de droit commun : n’avouez jamais. Ne dites pas ingénument comme ça sans penser à mal « je suis heureux ». Aussitôt vous lirez autour de vous sur les lèvres retroussées votre condamnation. « Ah ! vous êtes heureux, mon garçon ! Et dites-moi, que faîtes-vous des orphelins du Cachemire et des lépreux de Nouvelles-Hébrides, qui, eux, ne sont pas heureux, comme vous dites » Hé oui que faire des lépreux ? Comment s’en débarrasser comme dit notre ami Ionesco. Et aussitôt nous voilà tristes comme des cure-dents. Pourtant moi, je suis plutôt tenté de croire qu’il faut être fort et heureux pour bien aider les gens dans le malheur ; Celui qui traîne sa vie et succombe sous son propre poids ne peut aider personne. Celui qui se domine au contraire et domine sa vie peut être vraiment généreux et donner efficacement. Tenez, j’ai connu un homme qui n’aimait pas sa femme et qui s’en désespérait. Il décida un jour de lui vouer sa vie, par compensation en somme, et de se sacrifier à elle. Eh ! bien à partir de ce moment, la vie de cette pauvre femme, supportable jusque-là, devint un véritable enfer. Son mari, vous comprenez, avait le sacrifice voyant et le dévouement fracassant. Il y a comme ça de nos jours des gens qui se dévouent d’autant plus à l’humanité qu’ils l’aiment moins. Ces amants moroses se marient en somme pour le pire, jamais pour le meilleur. Etonnez-vous après cela que le monde ait mauvaise mine, et qu’il soit difficile d’y afficher le bonheur, surtout, hélas, quand on est un écrivain. Et pourtant, j’essaie personnellement de ne pas me laisser influencer, je garde du respect pour le bonheur et les gens heureux, et je m’efforce en tout cas, par hygiène, de me trouver, le plus souvent possible sur un des lieux de mon bonheur, je veux dire le théâtre. Contrairement à certains autres bonheurs, d’ailleurs, celui-là dure depuis plus de vingt ans et, quand bien même je le voudrais, je crois que je ne pourrais pas m’en passer.
En 1956, ayant réuni une troupe d’infortune, j’ai monté dans un dancing populaire d’Alger des spectacles qui allaient de Malraux à Dostoïevski en passant par Eschyle. Vingt-trois ans après sur la scène du Théâtre-Antoine j’ai pu monter une adaptation des Possédés du même Dostoïevski. Étonné moi-même d’une si rare fidélité ou d’une si longue intoxication, je me suis interrogé sur des raisons de cette vertu, ou de ce vice, obstinés. Et j’en ai trouvé de deux sortes, les unes qui tiennent à ma nature, les autres qui tiennent à la nature du théâtre. Ma première raison, et la moins brillante, je le reconnais, et que j’échappe par le théâtre à ce qui m’ennuie dans mon métier d ‘écrivain. J’échappe d’abord à ce que j’appellerai l’encombrement frivole. Supposez que vous vous appeliez Fernandel, Brigitte Bardot, Ali Khan ou plus modestement Paul Valéry. Dans tous ces cas, vous avez votre nom dans les journaux. Et dès que vous avez votre nom dans les journaux, l’encombrement commence. Le courrier se rue sur vous, les invitations pleuvent, il faut répondre : une grande partie de votre temps est occupée à refuser de le perdre. La moitié d’une énergie humaine est employée ainsi à dire non, de toutes les manières. N’est-ce pas idiot ? Certainement, c’est idiot. Mais c’est ainsi que nous sommes punis de nos vanités par la vanité elle-même. J’ai remarqué cependant que tout le monde respecte le travail du théâtre, bien qu’il soit aussi un métier de vanité, et qu’il suffit d’annoncer qu’on est en répétitions pour qu’aussitôt un délicieux désert s’installe autour de vous. Et quand on a l’astuce, comme je le fais de répéter toute la journée, et une partie de la nuit, là franchement, c’est le paradis. De ce point de vue, le théâtre est mon couvent. L’agitation du monde meurt au pied de ses murs et à l’intérieur de l’enceinte sacrée, pendant deux mois, voués à une seule méditation, tournés vers un seul but, une communauté de moines travailleurs, arrachés au siècle, préparent l’office qui sera célébré un soir pour la première fois. Eh bien parlons de ces moines, je veux dire des gens du théâtre. Le mot vous surprend ? Une presse spécialisée ou spéciale, je ne sais plus, vous aide peut-être à imaginer les gens du théâtre comme des animaux qui se couchent tard et divorcent tôt ! Je vous décevrai sans doute en vous disant que le théâtre est plus banal que ça et même qu’on divorce plutôt moins que dans le textile, la betterave ou le journalisme. Simplement, quand ça arrive, on en parle plus, forcément. Disons que le cœur de nos Sarah Bernhardt intéresse plus le public que celui de Monsieur Boussac ? ça se comprend, en somme. Il n’empêche que le métier des planches par la résistance physique et l’effort respiratoire qu’il suppose demande d’une certaine manière des athlètes bien équilibrés. C’est un métier où le corps compte, non parce qu’on le disperse en folies, ou en tout cas pas plus qu’ailleurs mais parce qu’on est contraint de le tenir en forme, c’est-à-dire de le respecter. On y est vertueux, en somme, par nécessité, ce qui est peut-être la seule manière de l’être.
Du reste, je m’égare. Ce que je voulais dire, c’est que je préfère la compagnie des gens de théâtre vertueux ou pas à celles des intellectuels, mes frères. Pas seulement parce qu’il est connu que les intellectuels qui sont rarement aimables n’arrivent pas à s’aimer entre eux. Mais voilà, dans la société intellectuelle, je ne sais pourquoi, j’ai toujours l’impression d’avoir quelque chose à me faire pardonner. J’ai sans cesse la sensation d’avoir enfreint une des règles du clan. Cela m’enlève du naturel, bien sûr et, privé du naturel, je m’ennuie moi-même. Sur un plateau de théâtre, au contraire, je suis naturel, c’est-à-dire que je ne pense pas à l’être ou à ne l’être pas et je partage avec mes collaborateurs que les ennuis et les joies d’une action commune. Cela s’appelle, je crois, la camaraderie, qui a été une des grandes joies de ma vie, que j’ai perdue à l’époque où j’ai animé un journal que nous avions fait en équipe, et que j’ai retrouvé dès que je suis revenu au théâtre. Voyez- vous, un écrivain travaille solitairement, est jugé dans la solitude, surtout se juge lui-même dans la solitude. Ce n’est pas bon, ce n’est pas sain. S’il est normalement constitué, une heure vient où il a besoin du visage humain, de la chaleur d’une collectivité. C’est même l’explication de la plupart des engagements d’écrivain : le mariage, l’Académie, la politique. Ces expédients n’arrangent rien d’ailleurs. On n’a pas plutôt perdu la solitude qu’on se prend à la regretter, on voudrait avoir, en même temps, les pantoufles et le grand amour, on veut être de l’académie sans cesser d’être anticonformiste, et les engagés de la politique veulent bien qu’on agisse et qu’on tue à leur place mais à condition qu’ils gardent le droit de dire que ce n’est pas bien du tout. Croyez- moi, la carrière d’artiste aujourd’hui n’est pas une sinécure. Pour moi, en tout cas, le théâtre m’offre la communauté dont j’ai besoin, les servitudes matérielles et les limitations dont tout homme et tout esprit ont besoin. Dans la solitude, l’artiste règne, mais sur le vide. Au théâtre, il ne peut régner. Ce qu’il veut faire dépend des autres. Le metteur en scène a besoin de l’acteur qui a besoin de lui. Cette dépendance mutuelle, quand elle est reconnue avec l’humilité et la bonne humeur qui conviennent, fonde la solidarité du métier et donne un corps à la camaraderie de tous mes jours. Ici, nous sommes tous liés les uns aux autres, sans que chacun cesse d’être libre, ou à peu près : n’est-ce pas une bonne formule pour la future société ? Oh ! Entendons-nous ! Les acteurs, en tant que personnes sont aussi décevants que n’importe quelle créature humaine, y compris le metteur en scène ; et d’autant plus parfois qu’on s’est laissé à beaucoup les aimer. Mais les déceptions, si déception il y a, surviennent le plus souvent après la période de travail, quand chacun retourne à sa nature solitaire. On dit avec la même conviction dans ce métier, où l’on n’est pas fort sur la logique, que l’échec gâte les troupes, et le succès aussi. Il n’en est rien.
Ce qui gâte les troupes, c’est la fin de l’espoir qui pendant les répétitions les tenait réunies. Car cette collectivité n’est si étroitement unie que par la proximité du but et de l’enjeu. Un parti, un mouvement, une église sont aussi des communautés, mais le but qu’elles poursuivent se perd dans la nuit de l’avenir. Au théâtre, au contraire, le fruit du travail, amer ou doux, sera recueilli un soir connu longtemps à l’avance et dont chaque jour de travail rapproche. L’aventure commune, le risque connu par tous crée alors une équipe d’hommes et de femmes tout entière tournée vers un seul but et qui ne sera jamais meilleure ni plus belle que le soir, longtemps attendu, où la partie enfin se joue. Les communautés de bâtisseurs, les ateliers collectifs de peinture à la Renaissance ont dû connaître la même exaltation qu’éprouvent ceux qui travaillent à un grand spectacle. Encore faut-il ajouter que les monuments demeurent, tandis que le spectacle passe et qu’il est dès lors d’autant plus aimé de ses ouvriers qu’il doit mourir un jour. Pour moi je n’ai connu que le sport d’équipe au temps de ma jeunesse, cette sensation puissante d’espoir et de solidarité qui accompagnent les longues journées d’entraînement jusqu’au jour du match victorieux ou perdu. Vraiment, le peu de morale que je sais, je l’ai appris sur les terrains de football et les scènes de théâtre qui resteront mes vraies universités

Mais pour en rester aux considérations personnelles, je dois ajouter que le théâtre m’aide aussi à fuir l’abstraction qui menace tout écrivain. De même qu’au temps où je faisais du journalisme, je préférais la mise sur le marbre de l’imprimerie à la rédaction de ces sortes de prêches qu’on appelle éditoriaux, de même j’aime qu’au théâtre que l’œuvre prend racine dans le fouillis des projecteurs, des praticables, des toiles et des objets. Je ne sais qui a dit que pour bien mettre en scène il fallait connaître par les bras le poids du décor. C’est une grande règle d’art et j’aime ce métier qui m’oblige à considérer en même temps que la psychologie des personnages, la place d’une lampe ou d’un pot de géranium, le grain d’une étoffe, le poids et le relief d’un caisson qui doit être porté aux cintres. Lorsque mon ami Mayo dessinait les décors des Possédés nous étions d’accord pour penser qu’il fallait commencer par des décors construits, un salon lourd, des meubles, le réel enfin, pour enlever peu à peu la pièce, vers une région plus élevée, moins enracinée dans la matière, et styliser alors le décor. La pièce se termine ainsi dans une sorte d’irréelle folie, mais elle est partie d’un lieu précis et chargé de matière. N’est-ce pas la définition même de l’art Voilà il me semble assez de raisons personnelles qui expliquent que je donne au théâtre un temps que je refuse avec obstination aux dîners en ville et au monde où l’on s’ennuie. Ce sont des raisons d’homme mais j’ai aussi des raisons d’artiste, c’est-à-dire plus mystérieuse. Et d’abord je trouve que le théâtre est un lieu de vérité. On dit généralement, il est vrai, que c’est le lieu de l’illusion. N’en croyez rien. C’est la société plutôt qui vivrait d’illusions et vous rencontrerez sûrement moins de cabotins à la scène qu’à la ville. Prenez en tout cas un de ces acteurs non professionnels qui figurent dans nos salons, nos administrations ou plus simplement nos salles de générale. Placez le sur cette scène, à cet endroit exact, lâchez sur lui 4000 watts de lumière, et la comédie alors ne tiendra plus, vous le verrez tout nu d’une certaine manière, dans la lumière de la vérité. Oui, les feux de la scène sont impitoyables et tous les truquages du monde n’empêcheront jamais que l’homme, ou la femme, qui marche ou parle sur ces soixante mètres carrés se confesse à sa manière et décline malgré les déguisements et les costumes sa véritable identité. Et des êtres que j’ai longtemps et beaucoup connu dans la vie, tels qu’ils paraissaient être, je suis tout à fait sûr que je ne les connaîtrais vraiment à fond que s’ils me faisaient l’amitié de bien vouloir répéter et jouer avec moi les personnages d’un autre siècle et d’une autre nature. Ceux qui aiment le mystère des cœurs et la vérité cachée des êtres, c’est ici qu’ils doivent venir et que leur curiosité insatiable risque d’être en partie comblée. Oui, croyez- moi, pour vivre dans la vérité, jouez la comédie ! On me dit parfois « comment conciliez-vous dans votre vie le théâtre et la littérature ». Ma foi, j’ai fait beaucoup de métiers, par nécessité ou par goût, et il faut croire que je suis tout de même arrivé à les concilier avec la littérature puisque je suis resté un écrivain. J’ai même l’impression que c’est à partir du moment où je consentirai à être seulement un écrivain que je cesserai d’écrire. Et en ce qui concerne le théâtre, la conciliation est automatique puisque pour moi le théâtre est justement le plus haut des genres littéraires et en tout cas le plus universel. J’ai connu et aimé un metteur en scène qui disait toujours à ses auteurs et ses acteurs : « Ecrivez ou jouez pour le seul imbécile qui est dans la salle » Et tel qu’il était, il ne voulait pas dire « Soyez vous-mêmes bête et vulgaire » mais simplement « Parlez à tous, quels qu’ils soient » En somme, il n’y avait pas d’imbéciles pour lui, tous méritaient qu’on s’intéressât à eux. Mais parler à tous n’est pas facile. On risque toujours de viser trop haut ou trop bas. Il y a ainsi les auteurs qui veulent s’adresser qu’à ce qu’il y a de plus bête dans le public, et croyez- moi, ils y réussissent très bien, et d’autres qui ne veulent s’adresser qu’à ceux qui sont supposés intelligents, et ils échouent presque toujours. Les premiers prolongent cette tradition dramatique bien française qu’on peut appeler épopée du lit, les autres ajoutent quelques légumes au pot au feu philosophique. À partir du moment où un auteur réussit au contraire à parler à tous avec simplicité tout en restant ambitieux dans son sujet, il sert la vraie tradition de l’art, il réconcilie dans la salle toutes les classes et tous les esprits dans une même émotion ou un même rire. Mais, soyons justes, seuls les très grands y parviennent ; On me dit aussi avec une sollicitude qui me bouleverse, soyez-en sûrs : « Pourquoi adaptez-vous des textes quand vous pourriez écrire vous-mêmes des pièces »Bien sûr. Mais au fait, je les ai écrites, ces pièces et j’en écrirai d’autres dont je me résigne d’avance à ce qu’elles fournissent aux mêmes personnes des prétextes à regretter des adaptations. Seulement quand j’écris mes pièces, c’est l’écrivain qui est au travail, en fonction d’une œuvre qui obéit à un plan plus vaste et calculé. Quand j’adapte, c’est le metteur en scène qui travaille selon l’idée qu’il a du théâtre. Je crois, en effet, au spectacle total, conçu, inspiré et dirigé par le même esprit, écrit et mis en scène par le même homme, ce qui permet d’obtenir l’unité du ton, du style, du rythme qui sont les atouts essentiels d’un spectacle ; Comme j’ai la chance d’avoir été aussi bien écrivain que comédien ou metteur en scène, je peux essayer d’appliquer cette conception. Je me commande alors des textes, traductions ou adaptations, que je peux ensuite remodeler sur le plateau, lors des répétitions, et suivant les besoins de la mise en scène. En somme, je collabore avec moi-même, ce qui exclut du même coup, remarquez le bien, les frottements si fréquents entre l’auteur et le metteur en scène. Et je me sens si peu diminué par ce travail, que je continuerai tranquillement à le faire, autant que j’en aurai la chance. Je n’aurais l’impression de déserter mes devoirs d’écrivain que si j’acceptais au contraire de monter des spectacles qui pourraient plaire au public par des moyens diminués, de ces entreprises à grands succès qu’on a pu et qu’on peut voir sur nos scènes parisiennes et qui me soulèvent le cœur. Non, je n’ai pas eu le sentiment de déserter mon métier d’écrivain en montant ces possédés qui résument ce qu’actuellement je sais et ce que je crois du théâtre. Voilà ce que j’aime au théâtre, voilà ce que j’y sers. Peut-être ne sera-ce pas longtemps possible. Ce dur métier est menacé aujourd’hui dans sa noblesse même. L’élévation incessante du prix de revient, la fonctionnarisation des corps de métier poussent peu à peu les scènes privées vers les spectacles les plus commerciaux. J’ajoute que de leur côté trop de directions brillent surtout par leur incompétence et n’ont aucun titre à détenir la licence qu’une fée mystérieuse leur a donnée un jour. C’est ainsi qu’un lieu de grandeur peut devenir un lieu de bassesse. Est-ce une raison pour cesser de lutter ? Je ne le crois pas. Sous ces cintres, derrières ces toiles, erre toujours une vertu d’art et de folie qui ne peut périr et qui empêchera que tout se perde. Elle attend chacun d’entre nous. C’est à nous de ne pas laisser s’endormir et d’empêcher qu’elle soit chassée de son royaume par les marchands et les fabricants. En retour, elle nous tiendra debout et nous gardera en bonne et solide humeur. Recevoir et donner, n’est-ce pas le bonheur et la vie enfin innocente dont je parlais en commençant. Mais oui, c’est la vie même, forte, libre, dont nous avons besoin.

Albert CAMUS


ALBERT CAMUS : POURQUOI JE FAIS DU THEATRE

"Tempo è galant'uomo"