La guerre d'e l'information au théâtre ou la complexité, une définition de la beauté par Joël Pommerat

La parole empêchée, la tyrannie d'une parole unique (OMERTA) :
"Soudain l'été dernier"de Tennesse Williams mis en scène par Stéphane Braunschweig), "The Fountainhead" roman d'Ayn Rand ("La Source vive") adapté à la scène par Ivo Van Hove..
 
à suivre..

"La vérité n'apparaît jamais sans ses voiles", Nietzsche

"Tempo è galant'uomo" 

Stéphane Braunschweig, "Portrait d'un artiste philosophe"


C'était hier soir à l'Odéon-Théâtre de l'Europe (lundi 27 mars 2017, Grande Salle à 20h): "se méfier de la vérité qui a l'air d'être la vérité", Stéphane Braunschweig.
"La vérité apparaît dans la fiction comme dans "Le Conte d'hiver" de Shakespeare ou par exemple dans "Soudain l'été dernier" de Tennessee Williams, le récit de Catherine a une forme de fantasme.
Arnaud Laporte (France-Culture) : Comment faire entendre la vérité ?

Portrait d’un artiste. Entretien par Arnaud Laporte. Réalisation par Baptiste Guiton.


Stéphane Braunschweig, photo © Carole Bellaïche

Lectures par Claude Duparfait, Chloé Réjon. Musique François Dumont.

Pour Stéphane Braunschweig les textes sont comme des paysages.
Son théâtre ouvre sur eux des perspectives qui repoussent les frontières de l’imagination.

 

« Je voulais faire du théâtre depuis tout petit. J’ai eu la chance de voir des spectacles dès sept, huit ans, même si nous n’étions pas particulièrement une famille tournée vers le théâtre − mon père est avocat, ma mère psychanalyste. Je faisais et j’écrivais des spectacles de marionnettes, je découpais des décors. Et puis j’ai fait beaucoup de magie, et à l’adolescence, du cinéma, écrit un scénario et des études de philosophie. Je suis entré ensuite à Normale Sup où j’ai monté des spectacles de théâtre.
[...] J’étais un peu atypique en philo, pas vraiment “fan” des grandes philosophies systématiques… Je préférais les penseurs, Montaigne, Pascal, Nietzsche à Hegel ou Kant. Je m’intéressais surtout à l’éthique et l’esthétique, ce qui m’a permis d’accéder à la littérature. Au lycée, j’étais d’ailleurs plutôt un matheux ! Mais mon mémoire de philosophie a été sur Kafka.
[...] Mon inspiration peut venir des peintures, des sculptures. Il y a des spectacles où l’idée arrive très vite, d’autres pour lesquels je fais beaucoup de maquettes. Le processus est très variable. Pour l’opéra, il faut beaucoup préparer, anticiper, comme pour les décors où il faut s’y prendre un an à l’avance. Les répétitions sont peu improvisées comme c’est le cas au théâtre. Il faut trouver une adéquation entre ce qui se passe dans la fosse de l’orchestre et sur la scène ; être à la mesure de l’œuvre. J’essaye toujours de ne pas savoir exactement ce que je veux faire... »

Propos recueillis par Laeticia Monsacré, jimlepariser.fr, janvier 2013

The Fountainhead ("La Source vive") : roman d'Ayn Rand (1943) mis en scène à l'Odéon-Théâtre de l'Europe par Ivo Van Hove en novembre 2016

The Fountainhead, roman d'Ayn Rand (1943) mis en scène à l'Odéon-Théâtre de l'Europe par Ivo Van Hove (novembre 2016), adapté à l'écran par King Vidor : "Le Rebelle" (1949)










Ayn Rand : « l'ego de l'Homme est la source vive du progrès humain » (man's ego is the fountainhead of human progress).


www.theatre-odeon.eu/fr/2016-2017/spectacles/fountainhead
Être ce que l’on est, créer ce que l’on doit, sans aucune concession : pour l’architecte Howard Roark, cela va de soi. Pour Peter Keating, son condisciple, il faut au contraire écouter les clients, répondre à leur demande. Retentissant sur leur vie intime, leur art, leur position sociale, les choix des deux hommes les conduisent jusqu’au choc... Quelle est l’essence de la création ? Ivo van Hove porte à incandescence une saga aussi célèbre aux USA que peu connue en France, un des grands succès du Festival d'Avignon 2014.
Ivo van Hove s’est d’abord fait connaître par ses versions théâtrales de grands scénarios filmiques signés Cassavetes, Bergman ou Duras. The Fountainhead aurait pu être l’un de ces scénarios :  l’auteur du roman, l’Américaine Ayn Rand, l’a adapté elle-même pour le cinéma. Cette fois-ci, van Hove a voulu repartir de l’œuvre originale, publiée en 1943. Van Hove lut les 700 pages du texte « presque d’une traite » et prit sa décision aussitôt. Une question essentielle pour lui, posée et résolue avec une netteté presque didactique par Ayn Rand, avait d’emblée retenu son attention : «  Quelle est l’essence de la création ? »
Selon Ayn Rand, toute entrave imposée à la liberté créatrice du talent individuel est à proscrire. En conséquence, l’altruisme, sous son masque de générosité, n’est qu’une des formes les plus insidieuses de l’aliénation, par laquelle l’individu créateur se laisse persuader de sacrifier sa force et sa supériorité sur l’autel d’un prétendu «  intérêt collectif ».  En revanche, si ce créateur-artiste tient bon et protège sa singularité en assumant jusqu’au bout son « égoïsme », il peut dès lors accomplir son œuvre et se montrer du même coup d’une réelle utilité pour ses congénères. L’être humain qui se porte à la hauteur de son don pour réaliser la tâche qui lui est assignée est ainsi une « source vive » (fountainhead) dont découlent les seuls éléments d’un progrès réel s’accumulant à travers les âges, pareils aux gratte-ciel dont l’ensemble a construit peu à peu la beauté inouïe du skyline new-yorkais.
Howard Roark est un tel héros de la création. Étudiant en architecture, il est confronté à un choix décisif : soit renoncer à son originalité, soit être expulsé de la faculté. Roark n’hésite pas un instant. Prophète et martyr de sa vérité, jamais il ne fait de concessions. Son art est à l’image de son intégrité : tout d’un bloc, à prendre ou à laisser. Pas étonnant qu’un homme d’une telle nature soit montré par Ayn Rand attaquant lui-même le granit à coups de marteau-piqueur dans une carrière. Peter Keating, son condisciple, croit faire le choix inverse : faire ce qu’on attend de lui, admettre la négociation, s’intégrer au système et en tirer profit tout en servant la collectivité. À vrai dire, Keating n’est pas confronté au même choix que Roark – car il est dépourvu de véritable puissance créatrice. Mais plutôt que de l’admettre, par ambition et vanité, il s’aveugle et manœuvre pour usurper une position qui ne devrait pas lui revenir...
Tout au long de son énorme best-seller, Ayn Rand détaille les tribulations de l’homme de pierre qu’est Roark, livré aux attaques et au ressentiment des hommes de papier qui l’entourent : dessinateurs, plumitifs en tous genres, juristes et autres parasites. Ivo van Hove, lui, a voulu rendre leurs chances à tous les combattants. Plutôt que de condamner Keating d’entrée de jeu, il a choisi de « réévaluer » la position qu’il adopte. Et tout au long de la démonstration qu’a construite la romancière, l’homme de théâtre a disposé ses propres questions, comme autant de charges explosives pour ébranler son édifice de certitudes : « L’art doit-il accepter de s’impliquer dans la vie de tous les jours ? L’artiste doit-il être isolé ? Comment survivre en faisant des productions artistiques à l’intérieur du système ? » Sa réponse de metteur en scène, créée en juin 2014, fit peu après l’événement au Festival d’Avignon.


Ivo van Hove, portrait d’un artiste aux Bibliothèques de l'Odéon

Réalisation par Sophie-Aude Picon, entretien par Arnaud Laporte
Lundi 7 Novembre 2016
Textes lus par Juliette Binoche et Éric Ruf.

"je ne sais pas ce que c'est que la haine", Soudain l'été dernier de Tennessee Williams



à l'Odéon-Théâtre de l'Europe 


 


 Mise en scène et scénographie de Stéphane Braunschweig  
 

 

 "Tennessee Williams ne reconnaissait pas son œuvre dans le film de Mankiewicz, avec Catherine Hepburn et Elisabeth Taylor, qui a pourtant rendu sa pièce célèbre. Il le trouvait trop réaliste, et reprochait à Mankiewicz d’avoir pris au pied de la lettre sa métaphore de la « dévoration » alors que pour lui il s’agissait d’une « allégorie » sur la façon dont « les êtres se dévorent entre eux ».









"je ne sais pas ce que c'est que la haine", Soudain l'été dernier de Tennessee Williams



Juliette Binoche dans Antigone de Sophocle 
au Théâtre de la Ville dans une mise en scène de Ivo Van Hove


«Ce n'est pas pour partager la haine mais l'amour que je suis née»

Antigone de Sophocle





 Photos de Bernadette Lecomte



Stéphane Braunschweig - Portrait d'un artiste : lundi 27 mars à 20h à l'Odéon-Théâtre de l'Europe



Stéphane Braunschweig, photo © Carole Bellaïche
 

Grande Salle 27 mars 20h00

Portrait d’un artiste. Entretien par Arnaud Laporte. Réalisation par Baptiste Guiton.

Lectures par Claude Duparfait, Chloé Réjon. Musique François Dumont, chant Karen Vourch, Jean-Sébastien Bou

Pour Stéphane Braunschweig les textes sont comme des paysages.
Son théâtre ouvre sur eux des perspectives qui repoussent les frontières de l’imagination.
 

« Je voulais faire du théâtre depuis tout petit. J’ai eu la chance de voir des spectacles dès sept, huit ans, même si nous n’étions pas particulièrement une famille tournée vers le théâtre − mon père est avocat, ma mère psychanalyste. Je faisais et j’écrivais des spectacles de marionnettes, je découpais des décors. Et puis j’ai fait beaucoup de magie, et à l’adolescence, du cinéma, écrit un scénario et des études de philosophie. Je suis entré ensuite à Normale Sup où j’ai monté des spectacles de théâtre.
[...] J’étais un peu atypique en philo, pas vraiment “fan” des grandes philosophies systématiques… Je préférais les penseurs, Montaigne, Pascal, Nietzsche à Hegel ou Kant. Je m’intéressais surtout à l’éthique et l’esthétique, ce qui m’a permis d’accéder à la littérature. Au lycée, j’étais d’ailleurs plutôt un matheux ! Mais mon mémoire de philosophie a été sur Kafka.
[...] Mon inspiration peut venir des peintures, des sculptures. Il y a des spectacles où l’idée arrive très vite, d’autres pour lesquels je fais beaucoup de maquettes. Le processus est très variable. Pour l’opéra, il faut beaucoup préparer, anticiper, comme pour les décors où il faut s’y prendre un an à l’avance. Les répétitions sont peu improvisées comme c’est le cas au théâtre. Il faut trouver une adéquation entre ce qui se passe dans la fosse de l’orchestre et sur la scène ; être à la mesure de l’œuvre. J’essaye toujours de ne pas savoir exactement ce que je veux faire... »
Propos recueillis par Laeticia Monsacré, jimlepariser.fr, janvier 2013

"Dom Juan... pour l'amour de l'humanité" : jeudi 1er juin...

Les Cours d'Options Théâtre de jeudi 16 mars commenceront avec Murielle Martinelli jeudi 16 mars à 9h15 (groupe A) et 17h (groupe B)

Problématique de la complexité à mettre en lien avec le projet "Dom Juan... pour l'amour de l'humanité" : proposition de "conduite" pour le montage des scènes et de l'ensemble du projet (avec scènes complétées et/ou retouchées) :  jeudi 30 mars 2017

Pour plus d'informations : www.theatre-odeon.eu/

Soudain l'été dernier de Tennessee Williams : mise en scène et scénographie de Stéphane Braunschweig (création)



jeudi 16 mars à 20h à l'Odéon-Théâtre de l'Europe (durée : 1h30)

avec Jean-Baptiste Anoumon, Océane Cairaty, Virginie Colemyn, Boutaïna El Fekkak, Glenn Marausse, Luce Mouchel, Marie Rémond


Soudain, l’été dernier, quelque chose s’est rompu. Un poète est mort à l’étranger, loin de chez lui. Et sur sa fin, une rumeur affreuse circule... Pour préserver sa mémoire, sa mère est prête à tout – y compris à faire interner la jeune cousine qui fut la seule à assister au drame. Comment arbitrer le combat sans merci entre les deux femmes ? Qui croire, et comment dénouer les lianes du réel et du désir ? La pièce a frappé Stéphane Braunschweig par « la manière dont la réalité s’y révèle sous les airs du plus terrifiant des fantasmes. » Il explore ici les terres torrides de Tennessee pour la première fois.


« Soudain l’été dernier », que s’est-il passé à Cabeza de Lobo, une modeste station balnéaire espagnole où le poète Sebastien Venable, un riche américain, passait des vacances et où il a trouvé la mort dans des conditions mystérieuses ? 
Faut-il en croire la version affreuse qu’en donne l’unique témoin, sa cousine Catherine ?

Une histoire – comme le dit son frère – qu’on ne peut raconter « à des gens civilisés dans un pays moderne et civilisé » !

Est-ce le délire d’une malade mentale, comme l’affirme Violette, la mère de Sébastien, qui a déjà fait interner Catherine pour qu’elle cesse de salir la mémoire de son fils ? Pour sa mère, la personnalité ascétique de Sébastien est sans rapport avec celle que Catherine décrit...
Qui était Sébastien ? Que cherchait-il ?  Comment comprendre sa fascination pour cette scène vue sur les plages des Galápagos : ces bébés tortues à peine écloses et courant désespérément vers la mer tandis que des oiseaux carnassiers fondent sur elles et rougissent la plage de leur sang. Auxquels de ces animaux s’identifiait-il ? Aux tortues ou aux oiseaux, aux plus fragiles ou aux plus féroces de ce monde ?

C’est un peu cette énigme que la pièce nous propose de suivre et qu’elle ne résoudra jamais complètement.
Tennessee Williams ne reconnaissait pas son œuvre dans le film de Mankiewicz, avec Catherine Hepburn et Elisabeth Taylor, qui a pourtant rendu sa pièce célèbre. Il le trouvait trop réaliste, et reprochait à Mankiewicz d’avoir pris au pied de la lettre sa métaphore de la « dévoration » alors que pour lui il s’agissait d’une « allégorie » sur la façon dont « les êtres se dévorent entre eux ».
 Il aurait sans doute préféré qu’une part de fantasme demeure, sans doute parce que le fantasme porte parfois plus de vérité que la réalité proprement dite, donne accès à d’autres strates de la réalité... et cela, c’est ce que le théâtre sait faire.


D’ailleurs il insiste pour que le décor ne soit pas réaliste, la villa de Mme Venable étant constituée en partie par une jungle de fougères géantes d’avant la création de l’humanité, la “jungle bien ordonnée de Sébastien”.

C’est cela qu'il m’intéresse de mettre en scène, ce grand poème aux allures de jungle, ces êtres d’effroi, fragiles et violents, en équilibre sur des gouffres, ces forces psychiques qui s’exercent dans l’inconscient des deux femmes, ce jardin du bien et du mal où un psychiatre au surnom faussement rassurant (« Sugar ») tente – comme nous spectateurs – de faire son chemin.
Stéphane Braunschweig



 

Restitution de "La Folle journée" d'après Beaumarchais et de "Figaro divorce" d'Orvarth lundi 9 mai à 19 heures au Théâtre.

Les dossiers de Théâtre sont à déposer impérativement demain à midi au plus tard pour signature de la Direction.

Bug informatique : mémoire saturée sur portable et ordinateur, je ne peux plus envoyer ni recevoir de messages.

Pensez à relire et à faire relire vos dossiers par des tiers afin de corriger vos fautes d'orthographe et de langue.

Des comptes-rendus complémentaires sur http://tempoetheatre.blogspot.com et RV demain matin si besoin en I2 de 8H30 à 10h05, au CDI Lycée jusqu'à 11h45, en K15 de 11h50 à 12h45, ensuite au Théâtre de 12h50 à 13h15.

Bon courage à tous pour vos finalisations !


Groupe B : répétition, photos et filage de "La Folle journée" d'après "Le Mariage de Figaro" de Beaumarchais hier soir avec Murielle Martinelli de "La Compagnie Louis Brouillard".


Murielle Martinelli, "Le Petit Chaperon rouge" de Joël Pommerat



Groupe A : répétition, photos et filage de "Figaro divorce" d'Horvarth avec Catherine Fourty de la Compagnie "La nuit surprise par le jour" demain au Théâtre à partir de 13h, apportez costumes et accessoires...


O O



Théâtre sacré Théâtre profane

Théâtre sacré Théâtre profane : la stratégie du détour du conte et du mythe

(pensée logique/pensée magique : le rationalisme et se limites)

A partir de la problématique des mises en abyme, interrogez-vous à propos des représentations théâtrales issues du mythe ou du conte sur leur symbolique, que leur interprétation soit liée à la religion (au surnaturel) suivant les origines du théâtre ou à la psychanalyse (à l'inconscient), qu'il s'agisse des ré-écritures de mythes grecs ou bibliques ou de contes comme "Pinocchio" de Joël Pommerat ("Cendrillon" ou "Le Petit Chaperon rouge"), elle est toujours associée à celle du sacrifice de la jeunesse, une problématique en perspective croisée avec celle de la tradition familiale et du temps avec le mythe originel grec de Chronos dévorant ses enfants, à la tension entre Eros et Thanatos, à la dualité ("héros" : "demi-dieu" ; "Dionysos", dieu du Théâtre : "né deux fois"), à mettre en perspective à celle de l'éducation et de la rébellion et de la double fonction du théâtre depuis ses origines sur l'axe diachronique (divertissement et éducation) et à éclairer par celle de l'école du spectateur, aujourd'hui sur l'axe synchronique : est-ce "l'époque qui lit à travers " lui, suivant l'expression de Roger Planchon ?

"Tempo è galant'uomo"
Figaro dans Le Mariage de Figaro ou "La Folle journée" de Beaumarchais (III,5)




Saison 2014-2015 :
Go down Moses de Romeo Castellucci au Théâtre de la Ville
Antigone de Sophocle, mise en scène de Ivo Van Hove au Théâtre de la Ville
Saison 2015-2016 :
Pinocchio de Joël Pommerat aux Ateliers Berthier-Odéon
Orestie (d'après Eschyle) de Romeo Castellucci à l'Odéon-Théâtre de l'Europe
Phèdre(s) de Krzysztof Warlikowski
Phèdre(s) de Krzysztof Warlikowski à l'Odéon-Théâtre de l'Europe


Dionysos, un "héros" complexe aux origines du théâtre : le dieu du Théâtre

Un "sphinx" de théâtre à la fois innocent et coupable, puni d'avoir appris aux hommes à cultiver la vigne qui procure l'ivresse "dionysiaque"*  il aurait été châtié et mis en pièces par les dieux pour avoir tenté d'élever les hommes à leur niveau**.

* Attention : ne pas confondre Dionysos et Bacchus (incarnation réductrice d'une ivresse qui n'aurait rien de sacré) ; 
** Mythe à rapprocher plutôt de celui de Prométhée puni par les dieux d'avoir volé le feu aux dieux pour le donner aux hommes.




Silène portant Dionysos enfant
(copie romaine d'un original du second classicisme, Musées du Vatican)
  
Pensez aux origines religieuses de la tragédie (les "dionysies") et à Dionysos, le dieu du Théâtre, le "héros" bouc-émissaire au sens étymologique (héros :"demi-dieu" en grec) sacrifié sur la scène du théâtre pour la purgation des passions humaines (la "catharsis" définie par Aristote), de sorte que le spectateur qui assiste depuis l'Antiquité aux cérémonies sacrées du sacrifice (la tragédie, "tragos-ôde" en grec : chant du bouc), doit ressentir "terreur et pitié" devant le sacrifice d'un "héros", victime de sa démesure ("l'hybris" en grec), de son destin (mi-homme, mi-dieu) et des dieux jaloux de leur pouvoir.

Quelles que soient les versions du mythe (à rapprocher du culte d'Isis et d'Osiris), il serait  né deux fois (Dionysos, δίογονος/ díogonos, «le deux fois né") : fils de Sémélé morte à sa naissance parce qu'elle n'aurait pas pu supporter de voir Zeus, son amant divin, dans toute sa gloire, ce dernier aurait recueilli le nouveau-né qu'il aurait recousu dans sa cuisse (d'où l'expression "sorti de la cuisse de Jupiter") ou suivant la version orphique du mythe, fils de Perséphone poursuivi par la jalousie d'Héra qui aurait demandé aux Titans de se débarrasser du nouveau-né, il aurait été coupé en morceaux mais son coeur vivant sauvé par Athéna aurait permis à Zeus d'en féconder Sémélé.
  




Roméo et Juliette à La Comédie-Française

Roméo et Juliette de Shakespeare à La Comédie-Française dans une mise en scène d'Eric Ruf : irai le 31 janvier, essaierai de programmer pour avril, Joyeux Noël à tous !

« Il y a un soleil noir dans cette pièce, c’est cela qu’il faut travailler », Eric Ruf

Compte-rendu de la rencontre avec Eric Ruf et Jean-François Sivadier au Théâtre du Vieux-Colombier : à suivre...

« À l’opposé de la fade légende qui l’entoure, la pièce de Shakespeare nous suggère une dimension cachée de l’âme humaine : l’idéologie de la virilité meurtrit les femmes, perd les hommes et dresse des tombeaux là où devraient s’ouvrir les lits du vrai bonheur. » Marc-Henri Arfeux



Roméo et Juliette est sans doute l’oeuvre la plus connue de Shakespeare et pourtant… là où la représentation communément partagée voit l’incarnation de l’histoire d’amour absolue, symbolisée par la célèbre scène du balcon, se cachent nombre de ressorts bien plus complexes, au point que la romance ne semble y être qu’une anecdote. « Il y a un soleil noir dans cette pièce, c’est cela qu’il faut travailler », déclare Éric Ruf qui en assure la mise en scène et la scénographie. Car cette tragédie qui recèle quelques savoureux moments de comédie est une pièce fantôme qui n’a pas été aussi souvent montée qu’on pourrait le penser. Entrée au répertoire de la Comédie-Française en 1920, elle n’a pas été donnée Salle Richelieu depuis 1952. Essorée par de multiples adaptations à l’opéra, au cinéma, cantonnée dans sa réputation de drame romantique, elle est pourtant faite de vengeances, de déliquescence politique et de haines familiales paroxysmiques. Le contraste est brutal entre la naïveté d’adolescents éperdus et la violence programmée des Montaigu et des Capulet qui ensanglantent Vérone, mus par une rancoeur ancestrale dont le sens même leur échappe. « À l’opposé de la fade légende qui l’entoure, la pièce de Shakespeare nous suggère une dimension cachée de l’âme humaine : l’idéologie de la virilité meurtrit les femmes, perd les hommes et dresse des tombeaux là où devraient s’ouvrir les lits du vrai bonheur. » (Marc-Henri Arfeux)
www.comedie-francaise.fr/spectacle-comedie-francaise
Roméo et Juliette de Shakespeare à La Comédie française dans une mise en scène d'Eric Ruf : irai le 31 janvier, essaierai de le programmer en avril, Joyeux Noël à tous !

« Il y a un soleil noir dans cette pièce, c’est cela qu’il faut travailler », Eric Ruf

Compte-rendu de la rencontre avec Eric Ruf et Jean-François Sivadier au Théâtre du Vieux-Colombier : à suivre...

« À l’opposé de la fade légende qui l’entoure, la pièce de Shakespeare nous suggère une dimension cachée de l’âme humaine : l’idéologie de la virilité meurtrit les femmes, perd les hommes et dresse des tombeaux là où devraient s’ouvrir les lits du vrai bonheur. » Marc-Henri Arfeux


Roméo et Juliette est sans doute l’oeuvre la plus connue de Shakespeare et pourtant… là où la représentation communément partagée voit l’incarnation de l’histoire d’amour absolue, symbolisée par la célèbre scène du balcon, se cachent nombre de ressorts bien plus complexes, au point que la romance ne semble y être qu’une anecdote. « Il y a un soleil noir dans cette pièce, c’est cela qu’il faut travailler », déclare Éric Ruf qui en assure la mise en scène et la scénographie. Car cette tragédie qui recèle quelques savoureux moments de comédie est une pièce fantôme qui n’a pas été aussi souvent montée qu’on pourrait le penser. Entrée au répertoire de la Comédie-Française en 1920, elle n’a pas été donnée Salle Richelieu depuis 1952. Essorée par de multiples adaptations à l’opéra, au cinéma, cantonnée dans sa réputation de drame romantique, elle est pourtant faite de vengeances, de déliquescence politique et de haines familiales paroxysmiques. Le contraste est brutal entre la naïveté d’adolescents éperdus et la violence programmée des Montaigu et des Capulet qui ensanglantent Vérone, mus par une rancoeur ancestrale dont le sens même leur échappe. « À l’opposé de la fade légende qui l’entoure, la pièce de Shakespeare nous suggère une dimension cachée de l’âme humaine : l’idéologie de la virilité meurtrit les femmes, perd les hommes et dresse des tombeaux là où devraient s’ouvrir les lits du vrai bonheur. » (Marc-Henri Arfeux)
www.comedie-francaise.fr/spectacle-comedie-francaise

Les mesures de sécurité qui étaient en cours cette semaine sont prolongées jusqu’au 6 décembre.

Donc aucune sortie/voyage jusqu’à cette date, je suis désolée.

L'Orestie de Romeo Castallucci à l'Odéon-Théâtre de l'Europe : rendez-vous à 19h30 jeudi 3 décembre


Rendez-vous à 19h30

Durée : 2h30 avec un entracte

Rencontre avec Romeo Castellucci : samedi 5 décembre à 14h30
"Le seul universel qui m'intéresse est celui que je ne parviens pas à décrire et qui ne se laisse pas décrire par des mots. […] Je travaille sur ma mémoire pour la faire ensuite exploser dans les choses et dans la matière, laquelle, comme on sait, est parfaitement indifférente à l'homme. Je crois toutefois que la beauté ne peut se dégager que de la rencontre, sur un terrain commun, de l'humain et de l'inhumain. Au fond, c'est exactement cela que la tragédie semble nous dire. Nous éloigner de l'humain pour que nous puissions nous apercevoir de sa fragile existence qui nous interroge.
Romeo Castellucci
(Itinera. Trajectoires de la forme, Tragedia Endogonidia. Actes Sud, 2008)

Rencontre avec Romeo Castellucci Scènes Imaginaires
Odéon - Théâtre de l'Europe
Samedi 5 décembre - 14h30
De quoi est fait l’imaginaire des hommes de théâtre ?
Animé par Arnaud Laporte
Producteur de l’émission
la Dispute sur France Culture
Un portrait de Romeo Castellucci, dessiné sur le vif, à travers un long entretien entrecoupé de lectures de textes de toute nature choisis par l‘artiste et lus par des comédiens qui lui sont chers.


Joël Pommerat à "La Grande Table" mercredi 11 novembre à 12 heures sur France-Culture

www.franceculture.fr/emission-la-grande-table-1ere-partie-joel-pommera...Il y a 23 heures - Emission La Grande Table (1ère partie). du lundi au ... Joël Pommerat, auteur dramatique, metteur en scène français ... Ca ira (1) Fin de Louis.

La Dispute sur France-Culture (9 novembre) : Ca ira (1) Fin de Louis de Joël Pommerat




Ça ira (1) Fin de Louis s’intéresse au processus révolutionnaire plutôt qu’aux héros, observe les mécanismes qui régissent l’action des individus, insiste sur la dimension collective de l’action politique. Les révolutionnaires étaient‑ils préparés à l’exercice du pouvoir ? Quelle fut la réalité de leur apprentissage, de leurs enthousiasmes et de leurs controverses ? La Révolution française est le fondement de nos démocraties modernes, la base des idées et valeurs qui les constituent.

« Le public de Mons sait désormais que le théâtre n'est jamais achevé, que sa fragilité même est sa force. » Daniel Cordoba

Ca ira (1) Fin de Louis, Joël Pommerat


 Création du spectacle au Théâtre de Nanterre les Amandiers le 4 novembre 2015

Au Théâtre du Manège, à Mons, en Belgique, le 16 septembre 2015,
20 heures : salle pleine.

Joël Pommerat :
« Bonsoir, je suis responsable de ce que vous allez voir. Au bout de trois heures — je n'en suis pas tout à fait sûr (rires) —, on fera autrement : on continuera de construire devant vous la dernière partie de cette épopée qui, d'ici à deux ou trois ans, connaîtra un nouvel épisode (Scoop ?). Quoiqu'il arrive, on s'arrête à minuit. »


« Le public de Mons sait désormais que le théâtre n'est jamais achevé, que sa fragilité même est sa force. » 

Daniel Cordoba, Directeur du Théâtre du Manège, à Mons  le 16 septembre 2015

15 Ça ira (1) Fin de Louis - youtube.com



Ca ira (1) Fin de Louis : nouvelle création de Joël Pommerat avec la Compagnie Louis Brouillard

La révolution à l'oeuvre

 Emmanuelle Bouchez (25/10/2015)
Photos : Elizabeth Carecchio

Télérama.fr - Arts et Scènes
Comment, en six mois, Joël Pommerat a révolutionné 1789


Improvisations, trac, excitation. Nous avons partagé les émotions historiques des quatorze comédiens et de leur metteur en scène au cours de sept répétitions du spectacle “Ça ira (1) Fin de Louis”.

En coulisses

 « Je veux que vous insistiez tous davantage sur la peur de mourir ou… de tuer. »


Six mois de répétitions pour écrire un spectacle avec quatorze acteurs à partir de longues séances d'improvisation... Depuis vingt-cinq ans, Joël Pommerat s'est forgé une identité d'auteur-metteur en scène. Il plonge aujourd'hui sa Compagnie Louis Brouillard dans le maelström de l'Histoire, loin de son répertoire où une collection de contes ­(Pinocchio, Cendrillon) alterne avec des défrichages poétiques du monde contemporain (la famille, le travail, le commerce, l'amour) mis en chair sur scène dans de somptueuses images.
Cette fois, il s'attaque à 1789, avouant, pince-sans-rire, avoir baptisé l'épopée du titre le plus laconique possible, Ça ira (1) Fin de Louis, pour éviter de citer la Révolution française et que notre imaginaire collectif ne s'emballe. « Le roi » et « la reine » (jamais nommée Marie-Antoinette) y sont les deux seuls personnages connus. Sieyès, Barnave, Lafayette ou Robespierre sont présents par leurs idées mais se fondent dans la masse des anonymes vêtus de costumes inspirés des années 70. Necker s'appelle Müller... Et, à la différence d'Ariane Mnouchkine, dont 1789 contait la Révolution du point de vue du peuple en 1971, Pommerat campe dans le détail toutes les tensions politiques.
Lien pour lire la suite : Télérama.fr - Arts et Scènes 

 
En mai, plongée dans la révolution roumaine de 1989

Je cherche l'état sensible des protagonistes de 1789”
Il a tout potassé ! Michelet, les marxistes, les chercheurs américains comme Timothy Tackett, spécialiste des Etats généraux. Et surtout les derniers travaux de la Française ­Sophie Wahnich, qui a réhabilité la place de l'émotion dans l'Histoire. Grâce à elle, il a trouvé le moyen de transcender le critère de l'exactitude : « Je cherche l'état sensible des protagonistes de 1789. Cela m'affranchit. Je ne vise pas la reconstitution (quel ennui !), je crée une autre "temporalité" : ni celle du XVIIIe ni celle de 2015, plutôt un espace-temps imaginaire où se croisent les faits et les ressentis. Tout le travail de recherche avec les acteurs s'appuie sur ça. »
Joël Pommerat ne va pas raconter toute la Révolution, même si le chiffre 1 du titre augure d'une suite. S'il reste mystérieux sur la date précise du dernier tableau, il évoque vingt-quatre scènes pour décrire une petite année (1789-1790) où le temps de l'histoire s'accélère... Pour partager leur méthode, Joël Pommerat et ses acteurs nous ont ouvert les portes de leur atelier, du mois de mai dernier à la « première », le 16 septembre en Belgique, dans le cadre de Mons Capitale européenne de la culture...


En juin, le roi reçoit les Parisiennes des Halles.

6 mai 2015. Ferme du Buisson, Marne-la-Vallée, 49e jour de répétition.
Climat : grand vent dehors, tempête dedans.

Début d'après-midi. Les comédiens discutent sous les marronniers agités par la bise de la Ferme du Buisson, où ils travaillent trois semaines. « Voilà Joël ! » Tous se glissent dans la halle, munis de carnets ou de tablettes pour les nouvelles consignes. « On est fin juin 1789. Louis a renvoyé Necker/Müller, qui était très populaire, et nommé à sa place un réac. Paris est encerclé par trente mille soldats. Cela ne sent pas bon. Malgré tout, les députés planchent sur la Constitution. Un comité de quartier parisien se réunit. Que faire ? » La veille, le metteur en scène leur a proposé de prendre position sur la lutte armée. « C'est excitant mais on se jette à l'eau la boule au ventre. Car on vit une course de relais, chacun doit être à la hauteur », commente Philippe Frécon, qui, comme la plupart des garçons, a rejoint l'équipe Pommerat en 2013, pour La Réunification des deux Corées.
“Je veux que vous insistiez tous davantage sur la peur de mourir ou... de tuer.”
Pommerat le reprend avec diplomatie : « Ton intervention, Yannick, n'est pas fausse du tout, mais reste le ton de coq. Je veux que vous insistiez tous davantage sur la peur de mourir ou... de tuer. Aucun de nous n'en serait sans doute capable, mais il faut fouiller de ce côté-là. On ne pourra jamais comprendre la psychologie de l'époque mais si vous-mêmes vous vous déplacez vers elle, vous découvrirez son versant sensible. »

7 mai 2015. Ferme du Buisson, 50e jour de répétition.
Climat : hypnotisés par la vidéo.

Changement de plan. Marion Boudier, la dramaturge, qui a beaucoup alimenté la troupe en images de la place Maidan, à Kiev, propose des documents filmés de la révolution roumaine en 1989. Ils révèlent la confusion au « château » des Ceausescu, la guérilla... Une heure de projection sans commentaires, exceptés ceux de Bogdan Zamfir, jeune acteur d'origine roumaine formé à l'école de théâtre de Liège comme les deux autres nouvelles recrues, Yvain Juillard et Simon Verjans. Fin du film. Les acteurs s'ébrouent, un peu sidérés par ces images brutes, comme l'envers d'un décor. A 16 heures, ils enfilent les panoplies de la veille imaginées par Isabelle Deffin, créatrice « de vêtements plutôt que de costumes ». Ruth Olaizola, pilier de la compagnie, se demande à la fin de la journée « s'ils ont bien tout donné ».


25 juin 2015. Théâtre des Amandiers, Nanterre 76e jour de répétition.Climat : questions en vrac.

La compagnie vient de « poser ses valises » aux Amandiers pour l'été. Eparpillés dans les rangées de la grande salle (où le spectacle commence début novembre), les comédiens sont difficiles à reconnaître. Ils ont encore changé de perruques ! Ils sont les représentants du tiers état, surtout provinciaux et tout juste débarqués à Versailles, en mai 1789. Reprise de la scène 6 (un débat houleux entre les députés du tiers). L'auteur l'a déjà écrite mais redemande à ses acteurs « une synthèse » sur le vif. Il compte sur eux pour rassembler, dans le feu du jeu, les motivations complexes des personnages. Certains posent beaucoup de questions, notamment sur la nécessité d'improviser encore sur cette scène. Pommerat tient bon : « Si je m'y mets tout seul, je vais en rajouter ! »
Après la pause... passage direct à la 18, l'un des plus célèbres épisodes de la Révolution : l'entrevue des Parisiennes des Halles avec Louis XVI, à Versailles, pendant les journées d'octobre 1789. Le décor, imaginé par le scénographe Eric Soyer et Joël Pommerat, produit son effet : de grandes ­parois ardoise s'ouvrent sur la silhouette de Louis (Yvain Juillard), dont on imagine qu'il surgit des dédales du palais. Le quatuor des actrices phares de la compagnie l'attend pour une première impro. Agnès Berthon, Anne Rotger, Saadia Bentaïeb, Ruth Olaizola se plaignent de la famine, expriment la perte de confiance du peuple en son roi. Une variété de voix : entre déférence de celle qui s'évanouit (après avoir raté son selfie, drôlissime séquence !) et distance sèche de la plus politique.
“La situation est plus tendue : il y a dix mille personnes dehors !” 
Du théâtre déjà convaincant conduit d'un trait. Mais l'historien-conseil Guillaume Mazeau, chercheur à Paris-I, veille : « les comédiens révèlent parfois de l'inattendu, telle cette audace politique de Louis XVI dans son premier discours aux Etats généraux, que je n'avais jamais perçue à ce point... mais là je dois cadrer. La situation est plus tendue : il y a dix mille personnes dehors ! Ces déléguées ont obtenu des choses concrètes qu'on n'entend pas : la baisse des prix, la sécurisation des convois, la signature par le roi de la Déclaration des droits de l'homme... » Dans la foulée, Mazeau retourne préparer les « pochettes » pour les acteurs. Menu copieux garni d'archives... qu'ils digèrent chaque soir. Ils se souviennent encore des vingt-cinq pages de discours de Mirabeau à avaler avant les impros du lendemain, lors des premiers ateliers..

Le tiers état s'enflamme

22 juillet 2015. Théâtre des Amandiers, Nanterre 85e jour de répétition.
Climat : inquiétude et petite fatigue.

Début d'après-midi. Pommerat a rallongé sa session d'écriture matinale mais les acteurs Maxime Tschibangu et Eric Feldmann sont déjà là. Depuis le 15 juillet, ils sont arrimés « à la table » pour lire à voix haute les dix-huit scènes à peu près établies. Sur les vingt-quatre prévues, il en reste encore trois, « pas du tout abordées en impro ». Le temps file... Alors que l'équipe technique s'installe sur scène, tous rejoignent « l'Aquarium », au sous-sol. L'auteur arrive, la fatigue souriante. Même les mouches n'osent pas voler. Il est 16h10. Encore la scène 6, cette héroïque joute de discours au tiers état entre députés du tiers plutôt « monarchiens » et ceux désignés plus tard comme « les enragés ».
“C'est la rage, la colère qui vont te donner confiance et force.”
Y participe Madame Lefranc, personnage de radicale en partie inspirée de Robespierre, Marat ou Desmoulins (quatre femmes sont députées chez Pommerat, trahison historique assumée) : « Fais attention, Saadia, dit-il avec bienveillance, ces argumentations ne sont pas articulées comme dans la langue courante. C'est la rage, la colère qui vont te donner confiance et force. » A chaque page, il y a des italiques, un système de coupes ou de variantes que l'acteur prend ou laisse. Pommerat s'abstrait, l'oreille concentrée. Certaines tournures pèsent. Les termes d'« Assemblée nationale » reviennent trop. On peut passer quinze minutes à trancher et Pommerat en rit. « En impro, il refusait "tiers état", car c'était connoté "passé", commente le comédien Yannick Choirat. Il a fallu avancer dans les scènes pour que ce mot-là n'appartienne plus à l'Histoire mais à nous, aux personnages, au spectacle. Grâce à Joël, je prends la mesure de mes actes sur scène. Je ne serai jamais plus le même acteur. »
“On vise un double mouvement, celui de l'Histoire sous celui du texte.”
Désormais, chacun connaît son parcours. Choirat s'impose en Necker façon jeune Chirac. Agnès Berthon passe d'extrémiste de gauche à ultra, d'une perruque bouclée à un chignon lissé : « Rien à voir avec les personnages habituels de son théâtre, chuchotant et surgissant comme par magie. Ici, c'est le verbe, puissant, qui les construit ! » Et Saadia Bentaïeb poursuit : « Dans les créations passées, le rythme était scandé par l'impro, la lecture à la table, et le retour sur scène pour les corrections. On n'a jamais poussé aussi loin la méthode car on vise un double mouvement, celui de l'Histoire sous celui du texte. »

3 septembre 2015 . Théâtre des Amandiers, 121e jour de répétition.Climat : ça urge !

Ils ont pris leurs aises aux Amandiers. Le capitaine-auteur a fini d'écrire vingt et une scènes et l'on n'entendra plus parler des trois dernières. A treize jours de la première à Mons, les acteurs verrouillent dans leur mémoire le premier bloc. Depuis deux semaines, ils ont l'impression d'aborder enfin l'interprétation... quoiqu'elle se soit construite naturellement pendant la recherche. « Joël voit tout, tout le temps », ­explique Agnès. « Ses indications sont si puissantes, dit Gérard Potier, qu'elles nous portent plusieurs jours. » Le dernier bloc (les scènes 17 à 21) doit être chronométré aujourd'hui. Il est 15 heures. On vérifie les enchaînements pour mieux filer l'ensemble le soir. Les techniciens sont en embuscade. A la fin du filage, à 23 heures, la durée tombe telle la guillotine : 1h38. « La moitié en trop », tranche Pommerat. Voilà sa manière : écrire toutes les nuances possibles puis les condenser jusqu'au suc. Il promet la nouvelle version pour demain. « Ce serait bien qu'on ait les textes définitifs le plus vite possible », murmure Ruth. Les anciennes font doucement pression...

11 septembre 2015. Théâtre des Amandiers, Nanterre, 128e jour de répétition.
Climat : ambiance de dernière fois.

En juin, Louis (Yvain Juillard) s’avance vers son peuple… de spectateurs.

14h30. Les coulisses sont vides. En attendant le retour ­officiel de la troupe, fin octobre, le théâtre lui a laissé l'Aquarium, où répéter quatre jours de plus. « J'ai hâte de jouer, mais je sais qu'on ne sera plus jamais en création », avoue Bogdan, nostalgique. Lucia souriait, confiante, à la pause déjeuner : « Ça ira (1) est déjà au-delà de ce que j'imaginais avec tous ces acteurs époustouflants ! Que ce soit long et difficile est normal, car le texte est vivant, né d'improvisations. Il va d'ailleurs encore bouger pendant la tournée. »
“J'ai cessé d'être comédien pour voir des personnes sur scène et non des rôles.”
Mais d'ici là... pain sur la planche ! Face à tous, calme (toujours), Pommerat explique qu'il vient de parler au directeur du Théâtre du Manège, à Mons : « Daniel Cordoba a senti qu'on était en retard. Il ne souhaite pas que cela nous terrorise et propose de donner à voir un spectacle encore au travail, que je puisse interrompre. On doit accepter. » Stupeur, puis passionnant débat. Tous remontent à la source de leur expérience dans la compagnie. Lui aussi regarde en arrière : « J'ai cessé d'être comédien pour voir des personnes sur scène et non des rôles. Je n'ai pas peur de casser le cadre attendu par les spectateurs. » Agnès résume : « Dans la mesure où tu nous exposes déjà beaucoup au milieu du public, pourquoi pas ? »

16 septembre 2015. Théâtre du Manège, Mons, Belgique.
Climat : le grand bain.

20 heures : salle pleine. Pommerat tourne en rond près de la régie. Et se lance : « Bonsoir, je suis responsable de ce que vous allez voir. Au bout de trois heures — je n'en suis pas tout à fait sûr (rires) —, on fera autrement : on continuera de construire devant vous la dernière partie de cette épopée qui, d'ici à deux ou trois ans, connaîtra un nouvel épisode (Scoop ?). Quoiqu'il arrive, on s'arrête à minuit. »
“On se croirait dans une AG de 68... J'ai déjà donné !”
Les scènes s'enchaînent. Le public se concentre sur les discours, opine ou pas. Quand le président du tiers état appelle au vote « assis/debout », il frémit. A l'entracte, une poignée râle du trop-plein de cris et de paroles (Madame Lefranc, alias Saadia, s'est battue comme une lionne face aux attaques) : « On se croirait dans une AG de 68... J'ai déjà donné ! » A cette évocation, Guillaume Mazeau, l'historien, est ravi : « Nous qui avons l'habitude d'une vie politique lisse, ça nous provoque ! Le glacis du patrimoine a recouvert 1789 : on en avait oublié la "conflictualité", le climat d'opposition et d'extrême pugilat. »
“Le théâtre n'est jamais achevé, sa fragilité même est sa force.” 
A 23h40, les acteurs, courageux, s'y remettent. Pommerat re-toque les déplacements. Tous s'exécutent. Une demi-heure plus tard, rideau. La démonstration est terminée. Ouf ! Le salut officiel, les acteurs l'ont déjà fait tout à l'heure, avec un large sourire. Au pot de première, Daniel Cordoba est heureux : « Le public de Mons sait désormais que le théâtre n'est jamais achevé, que sa fragilité même est sa force. » Joël Pommerat, yeux rieurs, discute avec ses acteurs-auteurs tout à coup décontractés. Quand on le croise le lendemain, il a déjà repris sa course de fond : « Je reste concentré sur tout ce qu'il faudrait faire autrement. »

1963
Naissance de Joël Pommerat à Roanne.
1982 Monte à Paris pour devenir comédien.
1990 Crée la Compagnie Louis Brouillard.
1995 Pôles, premier texte abouti à ses yeux.
2004 Au monde, au Théâtre national de Strasbourg.
2006 Au monde, Les Marchands, au Festival d'Avignon.
2010 Cercle/Fictions, artiste associé au Théâtre national de l'Odéon.
2013 La Réunification des deux Corées.
2014 Artiste associé à Nanterre-Amandiers.

A voir
 
Ça ira (1) Fin de Louis au Théâtre Nanterre-Amandiers, du 4 au 29 nov. (92), tél. : 01 46 14 70 00 ; les 3 et 4 déc. à L'Apostrophe, Cergy-Pontoise, tél. : 01 34 20 14 14 ; les 10 et 11 déc. au Havre, tél. : 02 35 19 10 10 ; du 8 au 28 janvier à Villeurbanne, tél. : 04 78 03 30 30, puis à Chambéry, Annecy...

A lire
Par la volonté du peuple, de Timothy Tackett, éd. Albin Michel, 372 p., 22,40 €.
La Révolution française. Un événement de la raison sensible, de Sophie Wahnich, éd. Hachette, 304 p., 28,50 €.

Catherine Fourty, seule en scène dans REVENIR !



Un texte quasi-autobiographique de Barbara Bouley sur l'histoire de son père, atteint du Post Traumatic Stress Disorder PTSD à son retour de la guerre d'Algérie.



12/11/2015 - 13/11/201514 h 30 min - 20 h 00 min (durée : un peu plus d'une heure)
Théâtre ANIS GRAS, Le lieu de l'autre
55, avenue Laplace – 94110 Arcueil
* lieu très facile d'accès depuis Porte d'Orléans en 187 ou en RER B. La station est à 3 minutes à pieds !

Mini série sur le PTSD – Quand parlent les cendres
Jeudi 12 novembre à 14h30 et 20h, Vendredi 13 novembre à 14h30 et 20h.




REVENIR ! Mini série sur le PTSD est le spectacle-mémoire d’un programme de recherches sur les blessures invisibles de la guerre que la cie Un Excursus mène depuis mars 2013. Connues depuis la nuit des temps, les blessures morales et psychologiques liées à la guerre ont été désignées de bien des façons: obusite, hystérie des tranchées, syndrome du vent des boulets…
Dans le vocable médical on les regroupe sous le sigle de PTSD (Post Traumatic Stress Disorder).Le spectacle est composé de trois « épisodes » distincts. Dans le premier, qui a pour sous titre « Quand parlent les cendres » la fille d’un ancien appelé du contingent se remémore son enfance et témoigne, avec pudeur et tendresse, du traumatisme de son père, revenu de la guerre d’Algérie, l’âme blessée.


Catherine Fourty : "La Fille"





Texte & Mise en scène / Barbara Bouley, Scénographie / Barbara Bouley & Eric Fassa, Lumières / Eric Fassa, Son / Nadège Milcic, Montage vidéo / Marie Tavernier, Avec : Sarah Chaumette, & Les voix de Daniel Buisson & de Karim Ikeni