La guerre d'e l'information au théâtre ou la complexité, une définition de la beauté par Joël Pommerat

La parole empêchée, la tyrannie d'une parole unique (OMERTA) :
"Soudain l'été dernier"de Tennesse Williams mis en scène par Stéphane Braunschweig), "The Fountainhead" roman d'Ayn Rand ("La Source vive") adapté à la scène par Ivo Van Hove..
 
à suivre..

"La vérité n'apparaît jamais sans ses voiles", Nietzsche

"Tempo è galant'uomo" 

Stéphane Braunschweig, "Portrait d'un artiste philosophe"


C'était hier soir à l'Odéon-Théâtre de l'Europe (lundi 27 mars 2017, Grande Salle à 20h): "se méfier de la vérité qui a l'air d'être la vérité", Stéphane Braunschweig.
"La vérité apparaît dans la fiction comme dans "Le Conte d'hiver" de Shakespeare ou par exemple dans "Soudain l'été dernier" de Tennessee Williams, le récit de Catherine a une forme de fantasme.
Arnaud Laporte (France-Culture) : Comment faire entendre la vérité ?

Portrait d’un artiste. Entretien par Arnaud Laporte. Réalisation par Baptiste Guiton.


Stéphane Braunschweig, photo © Carole Bellaïche

Lectures par Claude Duparfait, Chloé Réjon. Musique François Dumont.

Pour Stéphane Braunschweig les textes sont comme des paysages.
Son théâtre ouvre sur eux des perspectives qui repoussent les frontières de l’imagination.

 

« Je voulais faire du théâtre depuis tout petit. J’ai eu la chance de voir des spectacles dès sept, huit ans, même si nous n’étions pas particulièrement une famille tournée vers le théâtre − mon père est avocat, ma mère psychanalyste. Je faisais et j’écrivais des spectacles de marionnettes, je découpais des décors. Et puis j’ai fait beaucoup de magie, et à l’adolescence, du cinéma, écrit un scénario et des études de philosophie. Je suis entré ensuite à Normale Sup où j’ai monté des spectacles de théâtre.
[...] J’étais un peu atypique en philo, pas vraiment “fan” des grandes philosophies systématiques… Je préférais les penseurs, Montaigne, Pascal, Nietzsche à Hegel ou Kant. Je m’intéressais surtout à l’éthique et l’esthétique, ce qui m’a permis d’accéder à la littérature. Au lycée, j’étais d’ailleurs plutôt un matheux ! Mais mon mémoire de philosophie a été sur Kafka.
[...] Mon inspiration peut venir des peintures, des sculptures. Il y a des spectacles où l’idée arrive très vite, d’autres pour lesquels je fais beaucoup de maquettes. Le processus est très variable. Pour l’opéra, il faut beaucoup préparer, anticiper, comme pour les décors où il faut s’y prendre un an à l’avance. Les répétitions sont peu improvisées comme c’est le cas au théâtre. Il faut trouver une adéquation entre ce qui se passe dans la fosse de l’orchestre et sur la scène ; être à la mesure de l’œuvre. J’essaye toujours de ne pas savoir exactement ce que je veux faire... »

Propos recueillis par Laeticia Monsacré, jimlepariser.fr, janvier 2013

The Fountainhead ("La Source vive") : roman d'Ayn Rand (1943) mis en scène à l'Odéon-Théâtre de l'Europe par Ivo Van Hove en novembre 2016

The Fountainhead, roman d'Ayn Rand (1943) mis en scène à l'Odéon-Théâtre de l'Europe par Ivo Van Hove (novembre 2016), adapté à l'écran par King Vidor : "Le Rebelle" (1949)










Ayn Rand : « l'ego de l'Homme est la source vive du progrès humain » (man's ego is the fountainhead of human progress).


www.theatre-odeon.eu/fr/2016-2017/spectacles/fountainhead
Être ce que l’on est, créer ce que l’on doit, sans aucune concession : pour l’architecte Howard Roark, cela va de soi. Pour Peter Keating, son condisciple, il faut au contraire écouter les clients, répondre à leur demande. Retentissant sur leur vie intime, leur art, leur position sociale, les choix des deux hommes les conduisent jusqu’au choc... Quelle est l’essence de la création ? Ivo van Hove porte à incandescence une saga aussi célèbre aux USA que peu connue en France, un des grands succès du Festival d'Avignon 2014.
Ivo van Hove s’est d’abord fait connaître par ses versions théâtrales de grands scénarios filmiques signés Cassavetes, Bergman ou Duras. The Fountainhead aurait pu être l’un de ces scénarios :  l’auteur du roman, l’Américaine Ayn Rand, l’a adapté elle-même pour le cinéma. Cette fois-ci, van Hove a voulu repartir de l’œuvre originale, publiée en 1943. Van Hove lut les 700 pages du texte « presque d’une traite » et prit sa décision aussitôt. Une question essentielle pour lui, posée et résolue avec une netteté presque didactique par Ayn Rand, avait d’emblée retenu son attention : «  Quelle est l’essence de la création ? »
Selon Ayn Rand, toute entrave imposée à la liberté créatrice du talent individuel est à proscrire. En conséquence, l’altruisme, sous son masque de générosité, n’est qu’une des formes les plus insidieuses de l’aliénation, par laquelle l’individu créateur se laisse persuader de sacrifier sa force et sa supériorité sur l’autel d’un prétendu «  intérêt collectif ».  En revanche, si ce créateur-artiste tient bon et protège sa singularité en assumant jusqu’au bout son « égoïsme », il peut dès lors accomplir son œuvre et se montrer du même coup d’une réelle utilité pour ses congénères. L’être humain qui se porte à la hauteur de son don pour réaliser la tâche qui lui est assignée est ainsi une « source vive » (fountainhead) dont découlent les seuls éléments d’un progrès réel s’accumulant à travers les âges, pareils aux gratte-ciel dont l’ensemble a construit peu à peu la beauté inouïe du skyline new-yorkais.
Howard Roark est un tel héros de la création. Étudiant en architecture, il est confronté à un choix décisif : soit renoncer à son originalité, soit être expulsé de la faculté. Roark n’hésite pas un instant. Prophète et martyr de sa vérité, jamais il ne fait de concessions. Son art est à l’image de son intégrité : tout d’un bloc, à prendre ou à laisser. Pas étonnant qu’un homme d’une telle nature soit montré par Ayn Rand attaquant lui-même le granit à coups de marteau-piqueur dans une carrière. Peter Keating, son condisciple, croit faire le choix inverse : faire ce qu’on attend de lui, admettre la négociation, s’intégrer au système et en tirer profit tout en servant la collectivité. À vrai dire, Keating n’est pas confronté au même choix que Roark – car il est dépourvu de véritable puissance créatrice. Mais plutôt que de l’admettre, par ambition et vanité, il s’aveugle et manœuvre pour usurper une position qui ne devrait pas lui revenir...
Tout au long de son énorme best-seller, Ayn Rand détaille les tribulations de l’homme de pierre qu’est Roark, livré aux attaques et au ressentiment des hommes de papier qui l’entourent : dessinateurs, plumitifs en tous genres, juristes et autres parasites. Ivo van Hove, lui, a voulu rendre leurs chances à tous les combattants. Plutôt que de condamner Keating d’entrée de jeu, il a choisi de « réévaluer » la position qu’il adopte. Et tout au long de la démonstration qu’a construite la romancière, l’homme de théâtre a disposé ses propres questions, comme autant de charges explosives pour ébranler son édifice de certitudes : « L’art doit-il accepter de s’impliquer dans la vie de tous les jours ? L’artiste doit-il être isolé ? Comment survivre en faisant des productions artistiques à l’intérieur du système ? » Sa réponse de metteur en scène, créée en juin 2014, fit peu après l’événement au Festival d’Avignon.


Ivo van Hove, portrait d’un artiste aux Bibliothèques de l'Odéon

Réalisation par Sophie-Aude Picon, entretien par Arnaud Laporte
Lundi 7 Novembre 2016
Textes lus par Juliette Binoche et Éric Ruf.

"je ne sais pas ce que c'est que la haine", Soudain l'été dernier de Tennessee Williams



à l'Odéon-Théâtre de l'Europe 


 


 Mise en scène et scénographie de Stéphane Braunschweig  
 

 

 "Tennessee Williams ne reconnaissait pas son œuvre dans le film de Mankiewicz, avec Catherine Hepburn et Elisabeth Taylor, qui a pourtant rendu sa pièce célèbre. Il le trouvait trop réaliste, et reprochait à Mankiewicz d’avoir pris au pied de la lettre sa métaphore de la « dévoration » alors que pour lui il s’agissait d’une « allégorie » sur la façon dont « les êtres se dévorent entre eux ».









"je ne sais pas ce que c'est que la haine", Soudain l'été dernier de Tennessee Williams



Juliette Binoche dans Antigone de Sophocle 
au Théâtre de la Ville dans une mise en scène de Ivo Van Hove


«Ce n'est pas pour partager la haine mais l'amour que je suis née»

Antigone de Sophocle





 Photos de Bernadette Lecomte



Stéphane Braunschweig - Portrait d'un artiste : lundi 27 mars à 20h à l'Odéon-Théâtre de l'Europe



Stéphane Braunschweig, photo © Carole Bellaïche
 

Grande Salle 27 mars 20h00

Portrait d’un artiste. Entretien par Arnaud Laporte. Réalisation par Baptiste Guiton.

Lectures par Claude Duparfait, Chloé Réjon. Musique François Dumont, chant Karen Vourch, Jean-Sébastien Bou

Pour Stéphane Braunschweig les textes sont comme des paysages.
Son théâtre ouvre sur eux des perspectives qui repoussent les frontières de l’imagination.
 

« Je voulais faire du théâtre depuis tout petit. J’ai eu la chance de voir des spectacles dès sept, huit ans, même si nous n’étions pas particulièrement une famille tournée vers le théâtre − mon père est avocat, ma mère psychanalyste. Je faisais et j’écrivais des spectacles de marionnettes, je découpais des décors. Et puis j’ai fait beaucoup de magie, et à l’adolescence, du cinéma, écrit un scénario et des études de philosophie. Je suis entré ensuite à Normale Sup où j’ai monté des spectacles de théâtre.
[...] J’étais un peu atypique en philo, pas vraiment “fan” des grandes philosophies systématiques… Je préférais les penseurs, Montaigne, Pascal, Nietzsche à Hegel ou Kant. Je m’intéressais surtout à l’éthique et l’esthétique, ce qui m’a permis d’accéder à la littérature. Au lycée, j’étais d’ailleurs plutôt un matheux ! Mais mon mémoire de philosophie a été sur Kafka.
[...] Mon inspiration peut venir des peintures, des sculptures. Il y a des spectacles où l’idée arrive très vite, d’autres pour lesquels je fais beaucoup de maquettes. Le processus est très variable. Pour l’opéra, il faut beaucoup préparer, anticiper, comme pour les décors où il faut s’y prendre un an à l’avance. Les répétitions sont peu improvisées comme c’est le cas au théâtre. Il faut trouver une adéquation entre ce qui se passe dans la fosse de l’orchestre et sur la scène ; être à la mesure de l’œuvre. J’essaye toujours de ne pas savoir exactement ce que je veux faire... »
Propos recueillis par Laeticia Monsacré, jimlepariser.fr, janvier 2013

"Dom Juan... pour l'amour de l'humanité" : jeudi 1er juin...

Les Cours d'Options Théâtre de jeudi 16 mars commenceront avec Murielle Martinelli jeudi 16 mars à 9h15 (groupe A) et 17h (groupe B)

Problématique de la complexité à mettre en lien avec le projet "Dom Juan... pour l'amour de l'humanité" : proposition de "conduite" pour le montage des scènes et de l'ensemble du projet (avec scènes complétées et/ou retouchées) :  jeudi 30 mars 2017

Pour plus d'informations : www.theatre-odeon.eu/

Soudain l'été dernier de Tennessee Williams : mise en scène et scénographie de Stéphane Braunschweig (création)



jeudi 16 mars à 20h à l'Odéon-Théâtre de l'Europe (durée : 1h30)

avec Jean-Baptiste Anoumon, Océane Cairaty, Virginie Colemyn, Boutaïna El Fekkak, Glenn Marausse, Luce Mouchel, Marie Rémond


Soudain, l’été dernier, quelque chose s’est rompu. Un poète est mort à l’étranger, loin de chez lui. Et sur sa fin, une rumeur affreuse circule... Pour préserver sa mémoire, sa mère est prête à tout – y compris à faire interner la jeune cousine qui fut la seule à assister au drame. Comment arbitrer le combat sans merci entre les deux femmes ? Qui croire, et comment dénouer les lianes du réel et du désir ? La pièce a frappé Stéphane Braunschweig par « la manière dont la réalité s’y révèle sous les airs du plus terrifiant des fantasmes. » Il explore ici les terres torrides de Tennessee pour la première fois.


« Soudain l’été dernier », que s’est-il passé à Cabeza de Lobo, une modeste station balnéaire espagnole où le poète Sebastien Venable, un riche américain, passait des vacances et où il a trouvé la mort dans des conditions mystérieuses ? 
Faut-il en croire la version affreuse qu’en donne l’unique témoin, sa cousine Catherine ?

Une histoire – comme le dit son frère – qu’on ne peut raconter « à des gens civilisés dans un pays moderne et civilisé » !

Est-ce le délire d’une malade mentale, comme l’affirme Violette, la mère de Sébastien, qui a déjà fait interner Catherine pour qu’elle cesse de salir la mémoire de son fils ? Pour sa mère, la personnalité ascétique de Sébastien est sans rapport avec celle que Catherine décrit...
Qui était Sébastien ? Que cherchait-il ?  Comment comprendre sa fascination pour cette scène vue sur les plages des Galápagos : ces bébés tortues à peine écloses et courant désespérément vers la mer tandis que des oiseaux carnassiers fondent sur elles et rougissent la plage de leur sang. Auxquels de ces animaux s’identifiait-il ? Aux tortues ou aux oiseaux, aux plus fragiles ou aux plus féroces de ce monde ?

C’est un peu cette énigme que la pièce nous propose de suivre et qu’elle ne résoudra jamais complètement.
Tennessee Williams ne reconnaissait pas son œuvre dans le film de Mankiewicz, avec Catherine Hepburn et Elisabeth Taylor, qui a pourtant rendu sa pièce célèbre. Il le trouvait trop réaliste, et reprochait à Mankiewicz d’avoir pris au pied de la lettre sa métaphore de la « dévoration » alors que pour lui il s’agissait d’une « allégorie » sur la façon dont « les êtres se dévorent entre eux ».
 Il aurait sans doute préféré qu’une part de fantasme demeure, sans doute parce que le fantasme porte parfois plus de vérité que la réalité proprement dite, donne accès à d’autres strates de la réalité... et cela, c’est ce que le théâtre sait faire.


D’ailleurs il insiste pour que le décor ne soit pas réaliste, la villa de Mme Venable étant constituée en partie par une jungle de fougères géantes d’avant la création de l’humanité, la “jungle bien ordonnée de Sébastien”.

C’est cela qu'il m’intéresse de mettre en scène, ce grand poème aux allures de jungle, ces êtres d’effroi, fragiles et violents, en équilibre sur des gouffres, ces forces psychiques qui s’exercent dans l’inconscient des deux femmes, ce jardin du bien et du mal où un psychiatre au surnom faussement rassurant (« Sugar ») tente – comme nous spectateurs – de faire son chemin.
Stéphane Braunschweig