"un théâtre qui se fonde avant tout à partir du poème"


"Petit Poucet rêveur" ... "un pied près de mon coeur"


Olivier Py, Directeur de l'Odéon-Théâtre de l'Europe
Auteur dramatique, poète, comédien et metteur en scène



http://tempoepoesie.blogspot.com

-- Vous n'étiez pas candidat à la direction de l'Odéon. Pourquoi le ministre vous a-t-il choisi ?

-- Il connaissait mes idées, mon attachement aux idéaux de la décentralisation. Ma conviction que ce rêve a un bel avenir, que l'enivrement virtuel et la globalisation ne remettent pas en cause notre geste : au contraire, cela le refonde autrement. Il a sans doute aussi été intéressé par mon attachement à un théâtre qui se fonde avant tout à partir du poème.

-- C'est votre ligne majeure ?

-- Ce que je disais il y a dix ans de manière corsaire, agressive -- il faut que les poètes contemporains soient entendus --, je ne peux plus le dire de la même façon : il y a aujourd'hui beaucoup plus de productions à partir de textes contemporains.
Nous avons maintenant besoin d'un travail sur le répertoire : on joue toujours les mêmes pièces alors que des parties entières du répertoire sont tombées dans l'obscurité. On monte plus Jean-Luc Lagarce [avec qui Py a travaillé plusieurs années] que Corneille, et Hugo semble interdit. Peut-être pourrai-je réparer cette injustice.

Le Monde, vendredi 4 mai 2007 : entretien - Le nouveau directeur de l'Odéon présente la saison 2007-2008




" Petit Poucet rêveur"

"Oh ! là là ! que d'amours splendides j'ai rêvées !", "Ma Bohême"




Je m'en allais, les poings dans mes poches crevées ;
Mon paletot aussi devenait idéal ;
J'allais sous le ciel, Muse ! et j'étais ton féal ;
Oh ! là là ! que d'amours splendides j'ai rêvées !

Mon unique culotte avait un large trou.
-- Petit Poucet rêveur, j'égrenais dans ma course
Des rimes. Mon auberge était à la Grande-Ourse,
-- Mes étoiles au ciel avaient un doux frou-frou

« J'ai tendu des cordes de clocher à clocher ; des guirlandes de fenêtre à fenêtre ; des chaînes d'or d'étoile à étoile, et je danse. »

Rimbaud, Illuminations




http://tempoeroman2012.blogspot.com

http://tempoeroman.blogspot.com

http://tempoemythe.blogspot.com

Je disparais, Arne Lygre : reporté au jeudi 8 décembre ovembre à 20h30 au Théâtre de La Colline (durée 1h30)

Je disparais, Arne Lygre : reporté au jeudi 8 décembre





Mise en scène et scénographie de Stéphane Braunschweig

Traduction du norvégien par Eloi Recoing, Editions de l'Arche


avec :
Irina Dalle, Alain Libolt, Pauline Lorillard, Annie Mercier, Luce Mouchel











Rencontre avec Arne Lygre et Stéphane Braunschweig

au Théâtre de La Colline à 20h30 : lundi 5 décembre 2011


*****

"Je disparais", pièce vertigineuse d'Arne Lygre

LEMONDE


Ainsi commence Je disparais, cette étrange pièce que donne en création mondiale en son Théâtre de la Colline, et qui permet de retrouver l'auteur Arne Lygre, découvert en France en 2007 grâce à Claude Régy et à sa mise en scène d'Homme sans but. Une femme est dans sa maison, donc, mais très vite cette situation simple et banale se brouille et se trouble, dans l'énigmatique jeu de piste inventé par le dramaturge norvégien.

Car "Moi" doit partir, quitter cette maison qui contient sa vie. Jetée hors de chez elle par une mystérieuse menace qui semble d'abord venue du monde extérieur - guerre civile ? dictature ? catastrophe ? "Moi" attend, pour l'accompagner dans sa fuite, "Mon mari", "Mon amie" et "La fille de mon amie". "Mon mari" ne viendra pas, mais "Mon amie" et "La fille de mon amie", si. "C'était notre ville", constatent les trois femmes. "C'est ici que nous avons vécu depuis des années." Elles partent.

Commence un exode dont on ne sait jamais si les péripéties, qui évoquent celles que vivent les migrants d'aujourd'hui, sont vraiment vécues, ou si elles expriment les angoisses, les peurs, le paysage imaginaire de "Moi", en son exil intime. A la fin de Je disparais, "Mon mari" est seul dans la maison de "Moi". "C'est ma maison", dit-il. "C'est ici que je vivrai la vie qui me reste. J'ai suivi cette pensée. Rester. Accepter le nouveau système. Devenir nouveau." Sans que l'on sache jamais si cet "homme nouveau" qu'il est devenu concerne uniquement sa vie intime - une nouvelle femme - ou l'adhésion à un ordre politique récemment instauré - ou les deux.

Ce doute, cette incertitude font tout le prix des pièces d'Arne Lygre. C'est fou ce qu'il met en jeu, dans les replis de son écriture minimaliste, cet auteur de 43 ans venu d'un pays, la Norvège, qui se croyait sans histoire mais qui, avec la tuerie d'Utoya et l'attentat à la bombe d'Oslo, perpétrés en juillet par un jeune chrétien d'extrême droite, a vu se briser la façade bien lisse de la social-démocratie modèle (Arne Lygre avait écrit sa pièce avant ces événements).

Qui se sent en sécurité, aujourd'hui, à la fois sur le plan intime et sur le plan politique ?

Ce sentiment d'insécurité repose-t-il uniquement sur des bases réelles, ou largement fantasmatiques ? C'est tout cela qu'Arne Lygre tisse avec la question de l'exil et celle de l'identité, amenée de manière tout à fait bouleversante. Qu'est-ce qui la constitue, cette identité ? La maison ?, interroge Lygre comme en lointain écho à La Cerisaie de Tchekhov (car qui vit encore dans la maison de son enfance, de nos jours ?). Le pays, le territoire ? Le corps ? Ou l'imaginaire, un imaginaire contemporain qui fait de nous des "moi" qui disparaissent ? Vertiges.

Stéphane Braunschweig, qui, après les déceptions de Lulu et de Maison de poupée, semble avoir retrouvé toute la plénitude de son talent, la met en scène dans une épure somptueuse, cette pièce qu'il n'est pas question de réduire à un quelconque réalisme. La scénographie, absolument magnifique, signée par le metteur en scène lui-même, installe les "personnages" dans un espace mental démultiplié en blanc, gris et noir, une série de cadres ou d'à-plats lumineux en ligne de fuite, comme autant de chambres de la conscience. La vidéo est utilisée avec une pertinence rare, permettant de figurer, en un des moments les plus émouvants du spectacle, le moment où "Moi" perd les contours de son identité.

Cette abstraction, qui pourrait être froide, est compensée par le jeu des acteurs, que Braunschweig a travaillé sur le fil du rasoir : incarné et concret, il laisse pourtant affleurer l'étrangeté et le mystère. Luce Mouchel ("Mon amie"), Pauline Lorillard ("La fille de mon amie"), Alain Libolt ("Mon mari"), Irina Dalle ("Une étrangère") sont parfaits dans cet équilibre délicat. Mais, à ce jeu-là, c'est l'étonnante Annie Mercier ("Moi") qui gagne : tellement réelle, tellement présente, tellement pleine, avec sa voix rauque et son corps de matrone, qu'elle semble amplifier autour d'elle le vide, la perte de réel dessinés par Arne Lygre.

Fabienne Darge







Lire :

Lire, c'est toujours se demander non pas ce que ça "veut" dire, mais ce que ça "peut" dire,

Daniel Mesguich

Ecrire : http///tempoeroman2012.blogspot.com

NO83 [Comment expliquer des tableaux à un lièvre mort] - Jeudi 10 novembre à 20 h à l'Odéon Théâtre de l'Europe

Option Théâtre de Terminales : jeudi 10 novembre 2011 à 20 heures (durée : 2h30)

en estonien surtitré





"Dès le moment où l'on se met en tête d'acheter une toile et un châssis, l'erreur commence."
Joseph Beuys



Ce spectacle qui nous vient d'Estonie est d’une énergie et d’une drôlerie égales à sa stupéfiante insolence. Comment expliquer des tableaux à un lièvre mort ? La question paraîtra forcément incongrue à qui ne l'a jamais entendu poser. À plus forte raison, comment raconter un événement théâtral qui s’intitule Comment expliquer des tableaux à un lièvre mort ? Une très savante historienne rappelle en cours de spectacle que Tiit Ojasoo et Ene-Liis Semper, cofondateurs en 2004 du Theatre NO99 de Tallinn, l'ont l'emprunté à l’un des plus célèbres happenings de Joseph Beuys, figure majeure de l’art contemporain. Le 26 novembre 1965, à Düsseldorf, Beuys s’enduisit la tête de miel et de poudre d’or, puis parcourut pendant trois heures la galerie du marchand Alfred Schmela, passant d’un tableau à l’autre en tenant sur son sein un lièvre mort auquel il murmurait des propos à peu près inaudibles. Cette visite guidée, captée au moyen de caméras et de micros cachés, fut retransmise en direct au public que l’artiste avait fait maintenir à distance derrière une fenêtre et une porte vitrée… Soit. Les Sixties étaient décidément une drôle de décennie. Mais quel rapport avec l’Estonie ? Et quel rapport avec nous ? Il est temps de signaler que l’actuelle Ministre estonienne de la Culture porte un nom qui signifie précisément «lièvre»… Bien entendu, l’équipe artistique répète à qui veut l’entendre, avec un grand sourire, que toute ressemblance avec des personnes existantes ne serait que pure coïncidence. Mais le fait est que ce seizième opus qu'est NO83 (tel est le numéro d’ordre de ce spectacle dans le répertoire de la compagnie, qui a entamé son compte à rebours créatif à NO99) interroge les rapports des institutions étatiques, ou des personnels politiques, avec l’art en général et plus particulièrement avec l’art contemporain. Mais les choses n’en restent pas là. Si les politiciens paraissent parfois trop sûrs de ce qu’on appelle communication, n’est-il pas arrivé aux artistes de pousser leur critique si loin que la destination de l’art (s’il en est encore une) a parfois fini par devenir problématique, voire franchement indéchiffrable ? Comment justifier alors que la communauté citoyenne subventionne ce qui paraît se soustraire à toute communauté possible ? Après tout, pourquoi expliquer des tableaux à un lièvre – mort, de surcroît ? Pour les arts de la scène, ce sont là des questions vitales. NO83 les pose avec une précision incisive et percutante qui devrait laisser des traces dans les mémoires – car le moins qu’on puisse dire est que la folle équipe du théâtre de Tallinn ne passe pas à côté du sujet !

Daniel Loayza

A lire : Catherine Millet, L'Art contemporain, histoire et géographie, Paris, Flammarion, coll. Champs, 2009.