Quelqu'un comme vous, de Fabrice Roger-Lacan
Mise en scène : Isabelle Nanty Assistant à la mise en scène : David Zéboulon
Avec Jacques Weber et Bénabar
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« Vous ne trouvez pas ça réconfortant, vous, que l’homme ne soit pas seulement une menace pour l’homme ? »
Dans un rythme vif, dense, une lutte à mains nues et à mots découverts, deux monstres s’affrontent, s’éprouvent dans un espace dépouillé qu’envahissent peu à peu tous les éléments de la machinerie théâtrale ; cintres ou projecteurs dans un concert de sons étranges. Dialogue vif, trempé d’humour et d’effroi, Quelqu’un comme vous fait état du monde d’aujourd’hui à travers deux figures d’égoïsmes monstres qui cherchent à s’inventer une relation. Ils s’éprouvent en vain jusqu’au point de non retour, dans leur solitude infinie, irrémédiable.
Auteur de Cravate Club, d’Irrésistible, pièces cruelles et jubilatoires, coscénariste du premier film d’Isabelle Nanty, Le Bison (et sa voisine Dorine), Fabrice Roger-Lacan organise un jeu de massacre sans merci. Comédienne, metteur en scène fidèle de l’auteur, Isabelle Nanty orchestre cette partie d’échecs ardente, acharnement malin ou harcèlement moral. Elle apprivoise deux
« dragons qui ne baissent jamais la garde, deux sumos qui veulent rester à leur place, ancrés par une gravité formidable. » Elle dirige Jacques Weber avec qui elle débuta, et le « débutant » Bénabar qui fait ses premiers pas de comédien au théâtre ; bêtes de scène aux registres opposés, monstres sacrés.
texte publié aux éditions l’Avant-Scène Théâtre, collection les Quatre-vents
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Quelqu’un d’autre : Qu’est-ce que
vous cherchez ?
Quelqu’un : Une espadrille.
Quelqu’un d’autre : Pourquoi ?
Quelqu’un : Parce qu’il me manque
une espadrille.
Quelqu’un d’autre : Pourquoi ça vous
ennuie ? Pourquoi ça vous ennuie de
m’étaler un peu de crème dans le dos ?
Quelqu’un : Ça m’ennuie, c’est tout.
Quelqu’un d’autre : Ça vous gêne ?
Quelqu’un : Oui. Ça me gêne si vous
voulez.
Quelqu’un d’autre : C’est pas moi qui
veux, c’est vous qui voulez pas. Pourquoi
vous voulez pas ?
Quelqu’un : Parce que je veux pas.
Quelqu’un d’autre : Pourquoi ça vous
gêne ?
Quelqu’un : Je vais pas vous faire un
dessin.
Quelqu’un d’autre : Pourquoi pas ?
Un dessin dans le sable. Parfois c’est
plus facile d’exprimer la chose comme
ça qu’avec des mots. Ça vous gêne vraiment
d’étaler un peu de crème solaire
entre les omoplates de votre semblable.
Quelqu’un : C’est pas une question
d’omoplates ni de crème solaire.
Quelqu’un d’autre : C’est une question
de quoi ? Dites-moi. Je suis sûr que
dans votre travail vous dites les choses
sans mettre des gants. Pourquoi vous
prenez des gants avec moi ?
Quelqu’un : Je ne prends pas de gants.
Je vous dis, là. Bien en face. Il n’est pas
question que j’effleure la peau de votre
dos. Avec ou sans crème.
Quelqu’un d’autre : Avec des gants
vous voudriez bien ?
Quelqu’un : Non.
Quelqu’un d’autre : Même avec des
gants ça vous dégoûte ?
Quelqu’un : C’est pas la question.
Quelqu’un d’autre : Je ne vous dégoûte
pas ?
Quelqu’un : Quoi ?
Quelqu’un d’autre : Je ne vous dégoûte
pas ?
Quelqu’un : Non. Pas spécialement.
Vous ne me dégoûtez pas spécialement.
Quelqu’un d’autre : Pas spécialement
? Je ne vous dégoûte pas plus
qu’un autre ?
Quelqu’un : Voilà.
Quelqu’un d’autre : Tout le monde
vous dégoûte.
Quelqu’un : Tout le monde ne me dégoûte
pas. C’est une question. C’est une
question de peau. De chair.
Quelqu’un d’autre : Ma chair vous
dégoûte ?
Quelqu’un : Pas votre chair. La chair.
La chair des.
Quelqu’un d’autre : Des gens ?
Quelqu’un : Non pas des gens. Les
gens ne me dégoûtent pas. La chair
des gens ne me dégoûte pas. Je suis
quelqu’un d’ouvert. De tolérant. Je suis
un homme de contact. J’ai des amis de
toutes les. De tous les. De tous les horizons.
Quelqu’un d’autre : Un homme de
contact.
Quelqu’un : Un homme de contact.
On peut être un homme de contact et ne
pas avoir spécialement envie d’enduire
de crème la peau d’un inconnu.