Le Vrai sang
Ce sera le point d’orgue du cycle Novarina à l’Odéon. La création mondiale du Vrai sang, dernier opus en date de l’artiste suisse, est l’un des événements les plus attendus de la saison théâtrale.
De cette œuvre à venir, on ne sait encore que peu de choses. Comme une phrase de l’auteur, une pièce de Novarina ne se laisse pas facilement deviner, pas plus qu’elle ne se laissera enfermer a posteriori dans un récit. L’artiste lui-même confie avancer à l’aveugle, créer une littérature pariétale, accrocher sur les murs ses feuillets manuscrits, et peindre ainsi son œuvre par décalques des mots de sa main. Il écrit par « ruminations » et par « floraisons », ne décide de l’ordre de l’ensemble qu’à la fin et refaçonne encore et encore la structure et le rythme de son œuvre au contact du plateau. Mais Le Vrai sang, c’est vrai, dans son titre déjà, charrie ce logos charnel cher à Novarina. Ce mot troué, mâché, rongé jusqu’à l’os, jusqu’au sang, et recraché sur scène, vif et neuf, dans sa polysémie poétique. Le vrai sens. Le Vrai sent. Le vrai son. Le Vrai sans… Il y a chez Novarina, admirateur de Mallarmé, un poète qui, pour reprendre les mots du mélancolique professeur d’anglais, exprime « par le langage humain ramené à son rythme essentiel, le sens mystérieux des aspects de l'existence ».
Jean Monomonde, Saporigène ou la Dame du Déséquilibre
Cependant, d’une œuvre de Novarina, par avance, on sait aussi un peu ce qu’elle sera. Dans une note de travail, Novarina situe le modèle-secret de celle-ci dans un Faust forain qu’il a vu dans les années 50. Traditionnellement, l’auteur de Pour Louis de Funès rassemble culture littéraire et populaire pour faire renaître l’émerveillement théâtral de l’enfant qui ne connaissait pas les règles des grands. Dans ce vaste projet d’une trentaine de scènes apparaîtront plus d’une vingtaine de personnages, parmi lesquels, comme souvent, des figures allégoriques, qui auront cette fois pour nom Jean Monomonde, Saporigène ou la Dame du Déséquilibre, entre autres. La scène d’ouverture s’intitulera, elle : « Entrée dans le Mélodrome », et donne déjà à savourer l’inventivité langagière de l’auteur, son humour, et sa propension à créer un théâtre qui s’amuse de ses mises en abyme. L’obsession d’un théâtre de chair et de sacrifice, de rituel et d’instinct affleure, lui, dans le titre. Quant au travail synesthésique, cher à Valère, de correspondances entre les couleurs, les sons, le sens, le sang, le chant… il se donnera notamment à voir à travers une scénographie centrée sur la reproduction d’une toile de l’artiste suisse peinte à Nürnberg et inspirée du Livre de Daniel. D’une création de Novarina, on sait toujours un peu ce qu’elle sera, mais aussi que c’est toujours avec ferveur qu’on l’attend et qu’on la découvrira.