Patrice Chéreau, lors des saluts de la Première d'Elektra de Richard Strauss,
au Festival d'Aix-en-Provence le 10 juillet 2013
au Festival d'Aix-en-Provence le 10 juillet 2013
Photo © Pascal
Victor
"Elektra, la femme dont le cri est un chant".
« Agamemnon
! » Le nom du défunt roi de Mycènes sort de la bouche de sa
fille comme un feulement vertigineux, une plainte lancinante. Depuis
que son père a été assassiné par sa mère, Electre ressasse ce
nom, son cri lui tient lieu d’exutoire. Elle s’en repaît, elle
s’y consume et ne vit plus que pour la vengeance. Car Electre
guette le retour de son frère Oreste : lui seul pourrait accomplir
cette revanche que la destinée réclame mais que la nature réprouve.
De cette attente, Sophocle a tiré une tragédie que le poète
Hofmannstahl a revisitée en homme du XXe siècle naissant, lequel
sait combien tout mythe antique est un habit chamarré pour la psychè
humaine. De ce cri à la fois universel et intime, Richard Strauss a
fait un opéra-coup-de-poing, avec sa partition volcanique, son acte
unique d’attente fiévreuse puis de violence irrépressible, son
immense orchestre aussi raffiné que déchaîné, et ses voix de
femmes qui chantent la détresse d’une famille décomposée.
La solitude de l’individu
et la violence intime gisent au coeur du travail théâtral de
Patrice Chéreau. Il était donc naturel pour lui d’entrer, en
compagnie du chef d’orchestre Esa-Pekka Salonen, dans la course folle d’Elektra, la femme dont le cri
est un chant.