durée : 1h40
Mademoiselle Julie de August Strindberg
“Il fallait bien que j’invente ; ce sont toujours les beaux discours qui séduisent les femmes.”
Dans Mademoiselle Julie (1888), une jeune aristocrate, exaltée par une nuit de Saint-Jean, séduit son domestique, mais le charme, aussitôt rompu, fait mortellement s’affronter les idéaux de l’une à la volonté d’ascension sociale de l’autre. Dans Créanciers (1889), un ex-mari manipule le nouvel époux qui ne sait pas à qui il a affaire, le faisant mortellement douter de la fidélité de sa femme. Après Père (1887), Christian Schiaretti, directeur du Théâtre National Populaire — Villeurbanne, revient à Strindberg : deux pièces écrites l’une à la suite de l’autre qu’il met en scène avec la même équipe d’acteurs, dans un décor unique. Les deux oeuvres utilisent à la fois l’intuition brûlante de l’écrivain et son génie de la construction. S’il y a dans les deux cas, nécessité de tuer, un affolement du sentiment, il y a aussi dans l’artisanat théâtral de l’auteur, la mise en oeuvre scrupuleuse d’un suspense policier : deux meurtres calculés et improvisés, dont le mobile est improbable et l’arme reste introuvable. Car l’arme est ici le mot, le mot pur, pour lui-même, et c’est de lui que l’on meurt. Il n’y a pas chez Strindberg le réconfort du flou du sens, il y a la folie criminelle, l’expression du tragique, à travers le tranchant même du mot.
Photo © Élisabeth Carecchio