"Tartuffe,
ce personnage en creux, qui joue avec les fantasmes et les failles
des autres"
"Micha
Lescot, comédien de belle envergure",
Fabienne Darge, Le Monde,
vendredi 28 mars 2014
"Luc
Bondy déplace le champ du regard avec son "Tartuffe" :
titre
de l'article de Brigitte Salino, "Le Monde",
vendredi 28 mars 2014
"Entretemps,
tous nous auront offert de la vie, dans l'intelligence de l'instant
du théâtre. Et cela, grâce aux acteurs. Vous verrez comme ils font
aimer ce Tartuffe."
Brigitte Salino (ibid)
Brigitte Salino (ibid)
avec Gilles Cohen, Lorella Cravotta, Léna Dangréaux, Victoire Du Bois,
Françoise Fabian, Jean-Marie Frin, Laurent Grévill, Clotilde Hesme,
Yannik Landrein, Micha Lescot, Yasmine Nadifi, Fred Ulysse, Pierre Yvon
Une exploration des mécanismes intimes, familiaux et sociaux qui rendent possible le succès de l’imposture, tout en nous mettant sous les yeux, entre farce et terreur, le portrait génial d’un incroyable aveuglement.
"Le scandale du monde est ce qui fait l'offense,
Et ce n'est pas pécher que pécher en silence."
Tartuffe ou l'Imposteur de Molière, Acte IV, scène 5
Quelle mouche a piqué ce bon monsieur Orgon ? Et qu'est-ce donc qui
irrite à ce point madame Pernelle, sa vénérable mère ? Car elle est
furieuse et le fait savoir. D'Elmire, sa nouvelle belle-fille, jusqu'à
ses petits-enfants et à la fidèle servante Dorine, tout le monde en
prend pour son grade. Tous, à en croire la mégère, tous sans exception
sont pourris de vices bien peu chrétiens. Pire encore, ils se refusent à
reconnaître les vertus du bon Tartuffe et à profiter des conseils du
saint homme...
Mais au fait, qui est-il, ce monsieur Tartuffe ? Que
veut-il, que vaut-il ? Remontant des effets à la cause, Molière retarde
son entrée jusqu'au début de l'acte III et nous le présente d'abord à
travers les jugements contradictoires de toute une maisonnée, puis au
moyen des bouleversements qu'il provoque chez Orgon. Depuis leur
rencontre, la piété du père de famille est devenue fanatisme, et son
amitié pour Tartuffe a tout d'une passion. Comment donc Orgon, aliéné et
comme dévoré de l'intérieur par un effroyable parasite, a-t-il pu
succomber à une telle emprise, jusqu'à faire don de tous ses biens et
vouloir livrer sa propre fille à un inconnu rencontré par hasard
quelques semaines plus tôt ? Et jusqu'où devra aller Elmire pour lui
ouvrir les yeux ?
Il y a peu, Luc Bondy a signé l'adaptation d'un Tartuffe en version allemande dont l'épaisseur balzacienne et la vivacité digne de Lubitsch ont fait l'un des grands succès du printemps 2013 à Vienne. Il revient aujourd'hui à l'original pour explorer les mécanismes intimes, familiaux et sociaux qui rendent possible le succès de l'imposture, tout en nous mettant sous les yeux, entre farce et terreur, le portrait génial d'un incroyable aveuglement.
Il y a peu, Luc Bondy a signé l'adaptation d'un Tartuffe en version allemande dont l'épaisseur balzacienne et la vivacité digne de Lubitsch ont fait l'un des grands succès du printemps 2013 à Vienne. Il revient aujourd'hui à l'original pour explorer les mécanismes intimes, familiaux et sociaux qui rendent possible le succès de l'imposture, tout en nous mettant sous les yeux, entre farce et terreur, le portrait génial d'un incroyable aveuglement.
"Il n'y a plus de honte maintenant à cela : l'hypocrisie est un vice à la mode, et tous les vices à la mode passent pour vertu."
Dom Juan de Molière, V, 2
O O
Daniel Loayza, 22 janvier 2014
O O
Pour accompagner le spectacle Tartuffe mis en scène
par Luc Bondy, présenté du 26 mars au 6 juin 2014 aux Ateliers
Berthier 17e, une série de
documents - articles, vidéos, images, interviews -
sur Pearltrees, accessible à l'adresse suivante:
TARTUFFE DE 3 À 5
Une première version de Tartuffe
(qui selon certaines sources s'intitulait L'Hypocrite) a été
créé à Versailles le soir du 12 mai 1664 dans le cadre des trois
journées de fête qui composaient Les Plaisirs de l'île
enchantée. Louis XIV semble avoir apprécié la comédie, qui
compte alors trois actes. Moins de quarante-huit heures plus tard, il
fait cependant savoir à Molière qu'il n'en autorise pas la
représentation publique. Il ne s'oppose pas pour autant à des
lectures privées, auxquelles il lui arrive même d'assister (par
exemple chez Monsieur, frère unique du roi et protecteur officiel de
la troupe de Molière, qui la fait jouer à Villers-Cotterêts fin
septembre 1664). Ce premier Tartuffe est représenté une
dernière fois au château de Raincy le 29 novembre, en présence du
prince de Condé. Molière a-t-il déjà entrepris de retravailler sa
pièce ? Un an plus tard, toujours à Raincy, il semble bien que le
Grand Condé ait assisté à une version en quatre actes. Mais il
faut attendre le 5 août 1667 pour que soit créée au Palais-Royal,
sous le titre de L'Imposteur, une comédie en cinq actes dont
le héros, rebaptisé Panulphe, n'est plus un dévot mais un «homme
du monde» se faisant hypocritement passer pour tel.
Il est impensable que ce Tartuffe
remanié ait été donné au public sans l'aval de Louis XIV (qui
peut en avoir découvert les «adoucissements» – le terme est de
Molière – vers la mi-juillet, au cours d'une représentation
privée). Mais au lendemain de la première, coup de théâtre :
alors que le roi est retenu loin de Paris par le siège de Lille, le
premier président du Parlement de Paris fait interdire L'Imposteur.
Et moins d'une semaine plus tard, avant que le souverain ait pu
répondre favorablement au placet que le dramaturge lui a aussitôt
adressé, l'archevêque de Paris en prohibe à son tour toute
représentation ou lecture, privée ou publique, sous peine
d'excommunication. Le Tartuffe définitif, le seul dont nous
possédions le texte, est finalement créé le 5 février 1669. Le
prototype de 1664 a disparu. Malgré l'absence de documents, les
érudits se sont employés à reconstituer son aspect à partir des
polémiques qu'il a suscitées, de quelques allusions de Molière
lui-même dans ses placets, et d'indices dramaturgiques. Quelques
années après la mort de Molière, ses proches tentèrent
d'accréditer une pieuse légende : le premier Tartuffe aurait
été une œuvre encore inachevée dont seuls les trois premiers
actes furent présentés au roi. Les représentations publiques de la
pièce n'auraient donc pas été interdites mais simplement ajournées
sur ordre de Louis XIV, «jusqu'à ce qu'elle fût entièrement
achevée et examinée par des gens capables d'en juger».
Michelet fut le premier à mettre en doute cette version des faits
quelque peu invraisemblable et à supposer que seule une comédie
complète en trois actes avait pu être représentée en 1664.
L'examen de la structure du Tartuffe de 1669 confirme
cette hypothèse. L'acte II, qui forme un intermède quasiment
indépendant du reste de l'action, s'organise autour d'un type
de scène dont Molière était familier : le «dépit
amoureux». Quant à l'acte V, il repose tout entier sur un
ultime rebondissement qui ne fait que retarder la défaite définitive
de l'imposteur démasqué. Restent les actes I, II et IV. À
quelques détails près, il s'avère qu'ils constituent un tout
cohérent du point de vue dramaturgique, et qui ne manque pas
d'antécédents romanesques ou théâtraux dans la littérature
médiévale ou la commedia dell'arte : «(I) un mari dévot
accueille chez lui un homme qui semble l'incarnation de la plus
parfaite dévotion ; (II) celui-ci, tombé amoureux de la jeune
épouse du dévot, tente de la séduire, mais elle le rebute tout en
répugnant à le dénoncer à son mari qui, informé par un témoin
de la scène, refuse de le croire ; (III) la confiance aveugle de son
mari pour le saint homme oblige alors sa femme à lui démontrer
l'hypocrisie du dévot en le faisant assister caché à une seconde
tentative de séduction, à la suite de quoi le coupable est chassé
de la maison»*.
On l'aura noté, Mariane n'a pas de
rôle à jouer dans une telle histoire. En donnant une sœur à Damis
et une fille à Orgon (lequel peut dès lors songer à lui faire
épouser Tartuffe), Molière ne s'est pas seulement ménagé un
élément d'intrigue pour son acte II : il a aussi transformé le
caractère de son protagoniste. En 1664, Tartuffe devait être un
dévot véritable, d'une stricte chasteté ; son hypocrisie n'était
pas un choix stratégique préalable mais un masque adopté à la
suite de sa rencontre avec Elmire, une attitude que lui imposait son
incapacité à résister aux tentations de la chair. En 1667, en
revanche, Panulphe devait déjà présenter l'aspect du
Tartuffe que nous connaissons : loin d'être un croyant sincère
que sa faiblesse contraint à jouer la comédie, il est
désormais un aventurier arriviste et tout à fait disposé à
épouser la fille de son protecteur pour parvenir à ses fins.
La modification du titre, de L'Hypocrite
à L'Imposteur,
souligne donc que la conception même du personnage a changé, ce que
l'acte V achève de mettre en relief : Tartuffe n'est qu'un «fourbe
renommé», un ambitieux sans scrupules pour
qui la religion n'est qu'un déguisement – un impie d'autant plus
dangereux pour les familles, pour l'état et pour l'église qu'il se
couvre des apparences de la piété.
* Alain Riffaud et Georges Forestier : «Le Tartuffe, ou l'Imposteur : notice», in Molière : œuvres complètes, Gallimard, coll. de la Pléiade, 2010, t. II, p. 1375. Nous empruntons toutes nos informations à ces auteurs.
"Luc
Bondy déplace le champ du regard avec son "Tartuffe" :
titre
de l'article de Brigitte Salino, "Le Monde",
vendredi 28 mars 2014
"Entretemps,
tous nous auront offert de la vie, dans l'intelligence de l'instant
du théâtre. Et cela, grâce aux acteurs. Vous verrez comme ils font
aimer ce Tartuffe."