Les Suppliantes, tragédie grecque d'après Eschyle Texte français, adaptation et mise en scène d'Olivier Py, Directeur de L'Odéon-Théâtre de l'Europe
Odéon, Théâtre de l'Europe « hors les murs »
jeudi 6 avril à 12 heures, Théâtre de l'EABJM : 2des et 1ères (durée : une petite heure)
D'Eschyle, Olivier Py a mis en scène l'Orestie, en 2008, Les Sept contre Thèbes, en 2009 et en 2010, Les Suppliantes
Olivier Py a souhaité projeter l’Odéon «hors les murs», à la rencontre de ceux et celles qui deviendront peut-être publics des théâtres. Au cours de la saison passée, deux comédiens ont donc sillonné l’Île-de-France pour interpréter dans les lycées, les centres sociaux, les comités d’entreprise, une version brève et intense des Sept contre Thèbes d’Eschyle.
Cette première expérience s’est avérée si forte qu’Olivier Py souhaite poser dès 2010, toujours avec Eschyle, un nouveau jalon de ce «théâtre d’intervention», en donnant des Suppliantes une version concentrée, d’une heure environ, pour trois comédiens. La tragédie des Suppliantes est une forme théâtrale d’une telle simplicité qu’elle a longtemps passé pour l’oeuvre la plus ancienne que nous ayons conservée du premier des grands Tragiques.
L’intrigue est d’un dépouillement tel qu’elle en devient presque archétypique. Un choeur de femmes, fuyant des noces auxquelles on veut les contraindre, vient demander asile et protection en terre d’Argos ; le roi du pays, après avoir hésité entre deux droits et deux intérêts – ceux de son peuple, ceux des suppliantes –, décide de leur accorder son soutien et se prépare à une guerre dès lors inévitable. La situation, sans autre ressort dramatique que les affres des malheureuses, suffit à évoquer des questions aussi essentielles que la violence faite aux femmes, l’exil et le malheur des réfugiés, l’accueil de l’étranger et l’hospitalité comme devoir.
Les Danaïdes, John William Waterhouse (1903)
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L'accueil de l'étranger et l'hospitalité comme devoir : « la mesure en héritage »
Une tragédie contemporaine : Daniel Loayza
Daniel LOAYZA est normalien et agrégé de Lettres, conseiller dramaturgique de l'Odéon. Il a notamment traduit l'Orestie d'Eschyle, pour la collection Garnier-Flammarion.
Le théâtre ici assume la simplicité grave des statues. Un groupe de femmes entre en scène pour ne plus en sortir. Elles viennes d'au-delà des mers. Elles fuient la terre où elles sont nées, car leurs cousins, qui les poursuivent, veulent les épouser de force. Sous la conduite de leur père, les voici donc sur le sol grec pour demander asile au roi d'Argos. Consentir à cette demande, c'est risquer une guerre ; la repousser, c'est outrager le droit divin des faibles et des suppliants. Et d'ailleurs, que vaudrait ici une décision royale dont le peuple ne se porterait pas garant ? Démocratie et droit des gens, respect des femmes et de l'étranger, violence, justice, hospitalité -- de toutes les pièces d'Eschyle, aucune ne trace en si peu de gestes une intrigue d'apparence aussi claire, où tant de fils tendus se nouent et vibrent encore. Les ressources d'art convoquées par Eschyle sont elles aussi d'une sobriété presque hiératique. Le choeur des Danaïdes constitue le véritable protagoniste. Leurs angoisses, leurs épreuves, leurs supplications suffisent au mouvement dramatique. Le décor n'est pas moins dépouillé. Les Suppliantes est une tragédie sans autre espace scénique que l'orchestra, l'aire circulaire où le choeur déployait ses danses. [...]
Du désordre qui règne encore, les filles de Danaos, sont d'abord les victimes, elles à qui les fils d'Egyptos veulent s'imposer par la violence. Dès la deuxième pièce (perdue) de la trilogie, il s'avérait que les Danaïdes prolongeaient ce désordre à leur tour, en faisant couler le sang de leurs cousins -- mais ceci est une autre histoire. Comment s'achevait-elle selon Eschyle ? Zeus, recours de l'étranger, est aussi protecteur avec son épouse Héra des liens du mariage. Dans la troisième et dernière tragédie, les meurtrières étaient donc condamnées à subir le joug nuptial, et le temps qui s'inaugure alors, temps de l'union et du consentement à la loi commune des mortels, ouvre désormais la voie au nôtre : l'ère de l'excès se referme, et le mythe, en prenant congé, nous laisse la mesure en héritage.
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Les Suppliantes d'Eschyle
Traduction et notice de Paul Mazon :
"La date des Suppliantes est inconnue. Il semble bien pourtant qu'elles soient la plus ancienne des pièces d'Eschyle. Elles apparaissent en effet comme le seul exemplaire qui nous reste d'une forme vite disparue de la tragédie, où le véritable protagoniste était le choeur."
Une tragédie du poète grec Eschyle, écrite entre le désastre infligé par Cléomène à Argos en 493 avant JC et la victoire de Marathon ?
N.B. De Pierre Vidal-Naquet (folio classique)
"Mais la publication, en 1952, d'un fragment sur papyrus de la didascalie (date et circonstances de la représentation) de la tétralogie dont font partie Les Suppliantes nous a appris qu'elle a été représentée sous l'archontat d'Archédémidès, c'est-à-dire en 464-463."
Dans Les Suppliantes, le choeur est le personnage principal : il est formé des Danaïdes (nymphes hydrophores ou guerrières intrépides selon les représentations de ces héroïnes légendaires qui font alternativement figures d'amazones farouches ou de « colombes timides poursuivies par un épervier cruel » => cf. www.tempoe mythe : la réversibilité des symboles)
Dans la mythologie grecque, les Danaïdes sont les 50 filles du roi Danaos. Elles accompagnent leur père Argos quand il fuit ses neveux, les 50 fils de son frère Agyptos. Elles sont condamnées aux Enfers à remplir sans fin un tonneau sans fond parce qu'elles ont tué ces derniers le soir de leurs noces.
Auguste Rodin, La Danaïde, sculpture en marbre (1890)