Andromaque de Racine à La Comédie Française : mercredi 19 octobre 2011 (durée : 2 heures)


Tragédie en cinq actes de Jean Racine


Mise en scène de Muriel Mayette





Scénographie et lumières Yves BERNARD

Costumes Virginie MERLIN

Musique Arthur BESSON

Assistante à la mise en scène Josepha MICARD

Dramaturgie Laurent MUHLEISENI

Assistant scénographie Michel ROSE

Le décor et les costumes ont été réalisés dans les ateliers de la Comédie-Française.

avec

Cécile BRUNE

Éric RUF

Céline SAMIE

Elsa LEPOIVRE*

Léonie SIMAGA

Clément HERVIEU-LÉGER

Stéphane VARUPENNE

Suliane BRAHIM*

Aurélien RECOING

*en alternance


Andromaque, veuve d’Hector, captive de Pyrrhus

Pyrrhus, fils d’Achille, roi d’Épire

Céphise, confidente d’Andromaque

Cléone, confidente d’Hermione

Hermione, fille d’Hélène, accordée avec Pyrrhus

Oreste, fils d’Agamemnon

Pylade, ami d’Oreste

Cléone, confidente d’Hermione

Phoenix, gouverneur d’Achille, et ensuite de Pyrrhus



Andromaque


LORSQUE ORESTE arrive en Épire pour réclamer à Pyrrhus le jeune Astyanax, fils d’Andromaque qui représente unemenace pour les Grecs, il se heurte au refus du souverain, qui veut plaire à la veuve d’Hector dont il est épris. Mais celle-ci lui résiste, fidèle au souvenir de son époux. Ignorant les déclarations brûlantes d’Oreste, Hermione, fille d’Hélène et de Ménélas, aime Pyrrhus auquel elle est fiancée. Elle est venue de Sparte pour l’épouser ; il la dédaigne. Les luttes menées par les membres de ce quatuor amoureux pour sortir de l’impasse dans laquelle ils se trouvent sont le moteur de la tragédie qui réglera leur sort. Poussé par Hermione, Oreste tue Pyrrhus le jour de ses noces avec Andromaque, qui s’était résolue à cette union pour sauver son fils. Promise au châtiment des furies, Hermione se poignarde sur le corps de Pyrrhus. Andromaque devient reine et veuve une seconde fois, tandis que Pylade soustrait Oreste, devenu fou, à la vindicte du peuple.

Jean Racine

RACINE fait représenter Andromaque à l’âge de vingt-huit ans, par la Troupe royale, le 17 novembre 1667, dans l’appartement de la reine. La veuve d’Hector est interprétée par Mlle Du Parc. La pièce fait beaucoup parler d’elle et de son auteur, et est appréciée par Ses Majestés. Racine, au seuil de sa maturité, signe là une oeuvre maîtresse. Dans la décennie qui suit, il écrit Britannicus (1669), Bérénice (1670), Bajazet (1672), Iphigénie en Aulide (1674) et Phèdre (1677). Élu à l’Académie française en 1672, il évolue dans les sphères proches du pouvoir. En 1689 et 1690, ses deux tragédies bibliques, Esther et Athalie, sont représentées à Saint-Cyr devant Louis XIV. Il meurt en 1699 après avoir rédigé un Abrégé de l’histoire de Port-Royal.


MURIEL MAYETTE est administratrice générale de la Comédie-Française depuis le 4 août 2006. Elle y entre en 1985 après une formation au Conservatoire national supérieur d’art dramatique. Elle interprète de très nombreux rôles sous la direction notamment d’Antoine Vitez, de Claude Régy, de Jacques Lassalle, de Matthias Langhoff, d’Alain Françon. Elle poursuit parallèlement une carrière de metteur en scène (Fernand Crommelynk, William Shakespeare, Thomas Bernhard, Bernard-Marie Koltès, Pierre Corneille, Georges Feydeau, Dario Fo). Andromaque, créé en octobre 2010 Salle Richelieu, est repris en miroir de Bérénice, créé en tournée en mars 2011 et donné cette saison Salle Richelieu. Dans la dramaturgie française, l’alexandrin représente pour elle la musique de l’âme. Andromaque est comme un chant des morts qui révèle des corps déchirés entre devoir et passion. Privés du recul de la raison, les personnages de cette tragédie en arrivent à faire exploser leur être.



Andromaque ou le chant des morts,

par Muriel Mayette


ANDROMAQUE est une pièce d’après-guerre. Depuis une année, Troie est anéantie et les traumatismes engendrés par cette violence sont irréparables. Aucun des protagonistes ne sait s’en relever, ne peut oublier le sang répandu au nom de la conquête. Une pièce nécessaire qui raconte l’abîme que peut engendrer la volonté de pouvoir. Les protagonistes luttent pour rester debout, mais ce sont des loques de souffrance qui cherchent aveuglément une paix dans la mort. Tous les personnages ici sont traumatisés, des fauves dans un lieu de hasard qui tournent en rond et parfois l’un d’entre eux rugit. Pyrrhus, héros victorieux de la guerre de Troie, souffre de sa gloire car elle le maintient dans un ordre ancien établi. Il culpabilise et cherche vainement une issue réparatrice à son massacre. Andromaque, rescapée d’un peuple tout entier exterminé, esclave et récompense du vainqueur, reste fidèle à son époux, à son histoire, refusant toute tentative de réparation. Avec son fils Astyanax, qu’elle a sauvé, elle reste le seul témoin d’un peuple dont elle porte la mémoire et avec cette mémoire une nécessaire vengeance. Hermione, promise depuis l’enfance à Oreste puis à Pyrrhus, fils d’Achille, rêve d’un règne exemplaire avec le héros, d’un couple idéal, légitime. Oreste, matricide à qui l’on a retiré Hermione auparavant promise, amoureux de ce passé volé, souffre d’une malédiction familiale et cherche à sortir de sa vie maudite, à rejoindre les serpents de l’enfer. Enfin, Pylade, ami amoureux et dévoué jusqu’à la mort, meurtrier complice de l’infortuné Oreste, stratège politique d’une armée en attente, offre désespérément sa vie, sa propre histoire, au héros fou qui n’attend le repos que dans les ténèbres. C’est donc un quintette, où l’amour se trompe toujours d’interlocuteur. Les héros sont jeunes, refusant de choisir entre la raison et la passion. Aucun espace pour la conciliation dans cette oeuvre. Il y a aussi Phoenix, revenu du monde aveugle, visionnaire et politique, Céphise qui saura protéger l’enfant et Cléone subissant l’humiliation d’un destin imposé. Ce ne sont pas des suivants mais des âmes généreuses qui ont choisi d’offrir leur destin à l’autre, partageant tout, jusqu’aux bassesses, jusqu’au bout… Ils sont en regard, presque divins ou devins… La pièce commence dans le chaos, après une année à panser les blessures, à tenter l’oubli, à imaginer une nouvelle page d’histoire, une réparation possible. Mais on ne peut rien réparer. Une année à ne rien décider, à ne rien vivre… La folie ou la mort sont donc une sorte de libération attendue, espérée. Pyrrhus tente d’imposer la reconstruction. Il se veut père du fils d’Hector, époux d’Andromaque, protecteur des Troyens qu’il a lui-même détruits. Cet amour est sa seule chance de réparation, son rêve d’une page blanche. Mais chacun est là pour la lui interdire au nom de la mémoire, de la parole donnée… Astyanax sera épargné, c’est donc l’histoire de la sauvegarde d’un enfant. Mais au-delà, c’est aussi l’histoire de l’impossible changement du monde. Racine est un poète de l’âme, son théâtre n’est pas actif, c’est un théâtre de la pensée intérieure, du lapsus, un cri étouffé en musique, la variation cardiaque d’un souffle sidéré. Par le chant il nous donne à entendre ce qui affleure, les mots sont les seules armes des personnages qui se battent en alexandrins, rimer devient une arme pour se tenir debout. La tragédie est un art de l’affirmation. Lorsque qu’un point vient confirmer une pensée, elle est alors une irrémédiable vérité. Il faut trouver un solfège commun, une attitude dans le texte. C’est la parole qui entre en scène et l’émotion ne vient que de l’écho de cette parole. C’est elle la vérité, cet accouchement du personnage. C’est un théâtre de l’étonnement. Andromaque est une tragédie de l’interrogation de soi-même et de soi-même devant l’autre. J’ai voulu des corps debout dans le vent. Des humains effrayés par leur responsabilité politique, dévorés de passions, incapables de choisir. Des êtres éperdus de souffrances, orgueilleux, voulant tout et ne se possédant pas eux-mêmes. Le texte dans la nature immense, un homme debout entre le ciel et la terre, si petit et si vaste… Un homme debout et qui nous parle du monde.

MURIEL MAYETTE

Administratrice générale de la Comédie-Française

octobre 2010



Andromaque :

histoire de son interprétation


LE 17 NOVEMBRE 1667, Racine présente à la Cour sa nouvelle pièce, Andromaque. Immédiatement reprise à l’Hôtel de Bourgogne, la pièce obtient un grand succès public et est, immanquablement, à l’origine d’une querelle théâtrale à la hauteur de la révolution esthétique qu’elle impose1. À sa création, elle est servie par les meilleurs interprètes du répertoire tragique : la Du Parc (Andromaque), Floridor (Pyrrhus), la Des OEillets (Hermione) et Montfleury (Oreste). L’interprétation de Montfleury est restée célèbre dans les fameuses « fureurs » d’Oreste. Comédien emphatique, ce « roi d’une vaste circonférence », « entripaillé comme il faut » (Molière, L’Impromptu de Versailles), aurait interprété le cinquième acte avec tant de véhémence que les conséquences lui auraient été fatales. En 1680, lorsque Louis XIV crée la troupe unique de la Comédie-Française, les pièces de Racine, comme celles de Molière et Corneille rejoignent le répertoire de la nouvelle troupe. Michel Baron incarne Pyrrhus et le couple Champmeslé (Marie Desmares, muse de Racine, et son époux) Hermione et Oreste. À la mort de la Champmeslé, Mlle Duclos reprend le rôle d’Hermione et accentue le caractère chanté de la diction. Elle est très vite éclipsée par Adrienne Lecouvreur qui l’interprète dans une veine résolument différente et plus naturelle, parvenant à faire sentir toutes les nuances du rôle, passant sans difficulté de la tendresse à la fureur. La Dumesnil, qui succède à Adrienne Lecouvreur dans Hermione, est connue pour se concentrer sur les moments d’éclat, « déblayant » le reste de la pièce, au contraire de sa rivale, Mlle Clairon, réputée pour sa régularité et son étude des rôles. En 1752, Lekain prend la même voie qu’Adrienne Lecouvreur et abandonne la diction ampoulée et chantée. Le public est « frappé d’épouvante » au moment des fureurs. Néanmoins, Lekain n’abandonne pas totalement le maintien tragique, conforme aux canons de l’époque, au contraire de son célèbre successeur, Talma (1800), qui refuse de se plier aux exigences de l’alexandrin, prend des libertés avec le vers classique et accroît le rôle de la pantomime, atteignant la folie dans les fureurs, tandis que Mounet-Sully (1872) décrit un état proche de la transe. Sur le plateau, le talent de tel ou tel artiste a souvent fait porter l’attention sur un rôle en particulier. Andromaque est totalement éclipsée à partir de 1838 par l’Hermione de Rachel, animée d’une violence intérieure très impressionnante. En revanche, l’Andromaque baroque de Sarah Bernhardt (1873) triomphe au risque d’éclipser ses partenaires, à la fois coquette et violente. L’Andromaque de Julia Bartet (1902) recherche une plus grande harmonie d’interprétation, puis ce sont Mary Marquet (Andromaque) et Mary Bell (Hermione) en 1934 qui modernisent l’interprétation vers moins d’emphase et de lyrisme. En 1948, Annie Ducaux reprend le rôle d’Andromaque. En 1964, Pierre Dux s’attelle à reprendre le classique, puis c’est au tour de Paul-Émile Deiber en 1968, Patrice Kerbrat en 1981 et Daniel Mesguich en 1999. Au sein du répertoire, Andromaque est la pièce de Racine la plus souvent représentée avec 1536 représentations jusqu’en 2001, date de la dernière reprise Salle Richelieu.

AGATHE SANJUAN

Conservateur-archiviste de la Comédie-Française

octobre 2010

L’équipe artistique


Yves Bernard, scénographie et lumières – Directeur technique de Patrice Chéreau de 1967

à 1984, il a réalisé des décors pour Bruno Boëglin, Gérard Desarthe, Gao Xingjian, Alain

Pralon, Muriel Mayette (Conte d’hiver de Shakespeare, Dramuscules de Thomas Bernhard,

Le Retour au désert de Koltès, La Dispute de Marivaux, Mystère bouffe et fabulages de

Dario Fo), Anne Kessler et Christian Gangneron. Dernièrement, il a créé les décors et lumières

de Paranoïa de Spregelburd et de La Mère de Florian Zeller mis en scène par Marcial Di Fonzo

Bo. Il travaille aussi pour l’opéra avec Patrice Chéreau, Robert Wilson, Andrei Serban, Matthias

Langhoff, Andreas Homoki et Raoul Ruiz et met en lumière Épouses et concubines à Pékin,

Coppélia et Giselle dans une chorégraphie de Patrice Bart.

Virginie Merlin, costumes – Après des études à l’école des arts décoratifs de Paris, elle

travaille comme scénographe pour Pierre Ascaride, Michel Didym, Cécile Backès, Philippe

Delaigue et, depuis 1996, comme costumière au CNSAD. Récemment, elle a réalisé les

costumes du Loup de Marcel Aymé, mis en scène par Véronique Vella, de La Dispute et de

Mystère bouffe et fabulages, mis en scène par Muriel Mayette, du Barbier de Séville de

Rossini, mis en scène par Gérald Chatelain, et a été la collaboratrice de Renato Bianchi pour

les costumes de Figaro divorce d’Ödön von Horváth, mis en scène par Jacques Lassalle,

Salle Richelieu.

Arthur Besson, musique originale – Depuis 1995, il a composé des musiques de théâtre pour

Denis Maillefer, Bruno Zecca, Bernard Meister, Laure Thiéry, Gianni Schneider, Serge Martin,

Georges Brasey, Matthias Langhoff et Muriel Mayette (La Dispute, Mystère bouffe et

fabulages). Depuis 2003, il travaille avec Christophe Rauck pour lequel il a créé la musique

du Mariage de Figaro à la Comédie-Française en 2007 et de Coeur ardent au Théâtre Gérard-

Philipe en 2009. Il écrit aussi des musiques de films et participe à de nombreux spectacles

musicaux. Il compose et interprète sur scène La Haine de la musique, chorégraphie de

Philippe Saire à Lausanne en 2000. Il est arrangeur et accompagnateur du chanteur Stéphane

Blok de 1994 à 2001.

Laurent Muhleisen, dramaturgie – Traducteur depuis 1991, il est spécialisé dans le théâtre

de langue allemande. Il travaille pour la revue Ubu, scènes d’Europe de 1996 à 1999. En

1999, il devient directeur artistique de la Maison Antoine Vitez, Centre international de la

traduction théâtrale. Depuis octobre 2006, il est, en outre, conseiller littéraire et théâtral à la

Comédie-Française. Il en préside le bureau des lecteurs et occupe la fonction de rédacteur

en chef des Nouveaux Cahiers. La saison dernière, il a signé la dramaturgie de Mystère

bouffe et fabulages, mis en scène par Muriel Mayette.