Mademoiselle Julie, Strindberg : mardi 24 main à 19h30 au Théâtre de La Colline


durée : 1h40

Mademoiselle Julie de August Strindberg

mise en scène : Christian Schiaretti
avec Clara Simpson, Clémentine Verdier, Wladimir Yordanoff

“Il fallait bien que j’invente ; ce sont toujours les beaux discours qui séduisent les femmes.”

Dans Mademoiselle Julie (1888), une jeune aristocrate, exaltée par une nuit de Saint-Jean, séduit son domestique, mais le charme, aussitôt rompu, fait mortellement s’affronter les idéaux de l’une à la volonté d’ascension sociale de l’autre. Dans Créanciers (1889), un ex-mari manipule le nouvel époux qui ne sait pas à qui il a affaire, le faisant mortellement douter de la fidélité de sa femme. Après Père (1887), Christian Schiaretti, directeur du Théâtre National Populaire — Villeurbanne, revient à Strindberg : deux pièces écrites l’une à la suite de l’autre qu’il met en scène avec la même équipe d’acteurs, dans un décor unique. Les deux oeuvres utilisent à la fois l’intuition brûlante de l’écrivain et son génie de la construction. S’il y a dans les deux cas, nécessité de tuer, un affolement du sentiment, il y a aussi dans l’artisanat théâtral de l’auteur, la mise en oeuvre scrupuleuse d’un suspense policier : deux meurtres calculés et improvisés, dont le mobile est improbable et l’arme reste introuvable. Car l’arme est ici le mot, le mot pur, pour lui-même, et c’est de lui que l’on meurt. Il n’y a pas chez Strindberg le réconfort du flou du sens, il y a la folie criminelle, l’expression du tragique, à travers le tranchant même du mot.

Photo © Élisabeth Carecchio


Persona Marilyn, Krystian Lupa



Théâtre Nanterre Amandiers : vendredi 6 mai à 20 heures (durée : 3 heures)

PERSONA. MARILYN

Spectacle en polonais surtitré en français

Texte, scénographie et mise en scène Krystian Lupa
Musique Pawel Szymanski
Costumes Piotr Skiba
Vidéo Jan Przyluski
Photographie Katarzyna Paletko
Collaboration dramaturgique Marcin Zawada
Assistante à la mise en scène Katarzyna Kalwat
Assistant à la scénographie Jan Polivka
Lumières Krzysztof Solczyński, Rafał Rudkowski
Son Piotr Mastalerski
Effets spéciaux Piotr Kryczmonik
Musiciens Magdalena Bojanowicz (violoncelle), Anna Sikorzak-Olek (harpe), Barbara Skoczyńska (percussions), Dariusz Pogłud(contrebasse), Krzysztof Zbijowski (clarinette)
Technicien son Andrzej Brzoska
Souffleuse Jaga Dolińska
Traduction française et sous-titres Agniezka Zgieb

avec

Marylin Sandra Korzeniak
Paula Katarzyna Figura
Andre Piotr Skiba
Greenson Wladyslaw Kowalski
Franceso Marcin Bosak
Antropolog Henryk Niebudek
Salzman Agniezka Wosinska
Le grand Mage Paweł Miśkiewicz
Caruso Agnieszka Roszkowska
Réalisateur Krysztof Dracz
Gabriel Balthazar Andrzej Szeremeta
Le Chef-opérateur Marcin Tyrol
Les adeptes Adam Graczyk, Małgorzata Maślanka, Jolanta Olszewska

Production
: Teatr Dramatyczny m.st., Warszawy im. Gustawa Holoubka

Durée : 3h (entracte compris)

En dépit de son immense notoriété, la vie privée de Marilyn est un échec et sa carrière la laissera insatisfaite. Les causes de sa mort demeurent l’objet de vives spéculations : surdosage de somnifères ou assassinat politique. Ce sont ces derniers moments de la vie de Marilyn qui nous sont racontés, montrés tour à tour avec les personnes qui ont marqué cette fin d’existence. Paula Strasberg actrice et amie, André de Dienes, photographe qui a entretenu une belle et fidèle relation et dont les photos sont mémorables, le docteur Ralph Greenson, son psychiatre.
La comédienne Sandra Korzeniak donne corps, vie de façon incroyable, naturelle, entière à cette Marilyn en dernière séance photo, en dernières conversations, en dernière liaison amoureuse. Elle est là, c’est elle, fantastique !
L’expérience sensorielle que procure ce spectacle est intense et va au-delà du formulable ou, par exemple, de catégories comme celle du « beau », et on retrouve Marilyn.
Lupa a commencé un triptyque concernant un moment de la vie de personnages célèbres. Tout d’abord avec Andy Warhol puis Marilyn et suivront Simone Weil et Gurdjieff.


Après un diplôme de graveur à l’Académie des Beaux-Arts de Cracovie, Krystian Lupa interrompt des études de cinéma pour se former pendant quatre ans à la mise en scène à l’lnstitut d’art dramatique de Cracovie, puis commence sa carrière au théâtre Norwid de Jelenia Gora. Après deux spectacles personnels, il monte des auteurs contemporains polonais tels que Gombrowicz ou Witkiewicz. Puis ses mises en scène puisent leur matière dans la littérature russe ou autrichienne : il a monté ou adapté pour la scène des auteurs tels que Musil, Dostoïevski, Rilke, Thomas Bernhard, Tchekhov ou Hermann Broch.
Selon Lupa, qui signe lui-même (outre la scénographie et parfois la musique de ses spectacles) les adaptations et les traductions des textes qui l’inspirent, sa prédilection pour les romanciers vient de ce que « les auteurs de drame pensent trop en termes de théâtre et trop peu en termes de vie. » Il tire de leurs œuvres des mises en scène d’une durée envoûtante (à titre d’exemple, Malte occupait trois soirées, et Les Frères Karamazov ou les Esquisses six à sept heures).
Depuis 1983, il enseigne à l’Institut d’art dramatique de Cracovie, où il occupe la chaire de Doyen de la faculté de mise en scène.

"Andy Warhol disait que le sujet et le personnage principal de ses films, c’était la personnalité d’un être humain, avec tout son « inexprimable », et non pas son histoire et son destin. Si l’on considère qu’un être humain est un objet, alors il vaut mieux le regarder que raconter des histoires sur lui.
Les trois fantaisies sur les trois personnalités (Warhol, Monroe et Weil*) sont une tentative de suivre les traces d’Andy Warhol.
Le sujet de ces trois pièces, ce n’est pas l’histoire de ces trois personnages, mais la mise à nu des situations ; là où la personnalité devient visible, et un point de croisement entre le personnage et un acteur qui s’engage alors dans une aventure personnelle, voire intime, et dans une expérience d’échange fantastique et téméraire avec le personnage.
On ne peut réduire la personnalité d’un individu à son seul caractère. Il est aussi son rêve extrême, sa version potentielle non accomplie. C’est enfin une part d’auto-suggestion et d’auto-escroquerie, ainsi qu’un mythe qui explose parfois chez les autres.
Ces trois personnages – Warhol, Monroe et Weil –, bien qu’étant des individualités différentes, sont liés par un même besoin de dépasser les frontières. Bien qu’il soit difficile de les comparer, leur vision de la transgression est la même – éternellement humaine."

Krystian Lupa

* Factory2, Persona. Marilyn, Persona. Le Corps de Simone

Production : Teatr Dramatyczny. Avec le soutien de l’Institut Adam Mickiewicz de Varsovie et l’Institut Polonais de Paris.
Le texte Persona. Marilyn n’est pas publié.
Durée : 3h



Spectacle surtitré en français

Silhouette meurtrie sur une blondeur extrême. L’ombre de la mort s’approche aux côtés des personnes qui ont marqué la fin de l’existence de la star : Paula Strasberg, actrice et amie, André de Dienes, photographe avec qui elle fit sa dernière séance et le docteur Ralph Greenson, psychiatre de la star. Krystian Lupa décortique le système du vedettariat, fige le temps, donnant à son personnage une chance d’explorer l’abîme de son autodestruction. On y devine le désir de transcender les frontières, et une certaine vision de la transgression. L’incarnation de Sandra Korzeniak, qui se confronte ici au plus grand mythe du cinéma, fut célébrée par la presse hongroise. Voix rauque, corps gracile, sensualité emprisonnée, on reconnaît l’actrice perdue dans ses propres obsessions, notamment celle de Groucha des Frères Karamazov. La limite est floue, entre fiction et réalité.

Reconnu en Europe pour ses spectacles d’une exigence extrême, Krystian Lupa dresse dans ce spectacle un autoportrait en creux, une trajectoire pour apprendre à connaître les secrets de l’artiste, une méthode pour tenter de définir la « persona » de l’art. Il s’agit pour lui de se pencher sur des personnages extraordinaires, en essayant de comprendre d’où venait leur lumière et comment coexistent la grandeur et la superficialité. Cette Marilyn s’inscrit dans un projet de pièces consacrées à des figures a priori inconciliables : tout d’abord celle d’Andy Warhol, puis suivront Georges Gurdjieff (adepte de l’ésotérisme) et la philosophe française Simone Weil. Série de portraits inédits sur la scène théâtrale.


Krystian Lupa est né en 1943 à Jastrzebie Zdroj en Pologne.

De 1963 à 1969, il suit des cours de peinture, puis d'arts graphiques à l'Académie des Beaux-Arts de Cracovie, dont il sort avec un diplôme en arts graphiques. Après des études de cinéma qu'il n'achève pas, il se forme pendant quatre ans à la mise en scène au Conservatoire d'Art Dramatique de Cracovie, où il obtient son diplôme en 1978.

Il commence alors sa carrière au Teatr Norwida de Jelenia Gora, tout en dirigeant quelques productions au Stary Teatr de Cracovie (notamment Yvonne, Princesse de Bourgogne, de Gombrowicz, en 1978). Son travail à Jelenia Gora présente un caractère expérimental très marqué. Dans un texte à cette époque, intitulé "Le théâtre de la révélation", Krystian Lupa expose sa conception du théâtre comme instrument d'exploration et de transgression des frontières de l'individualité.

En 1986, il quitte définitivement Jelenia Gora pour le Stary Teatr de Cracovie, dont il devient le metteur en scène attitré. Son arrivée à Cracovie coïncide avec un tournant de sa recherche. Il s'intéresse davantage aux questions éthiques, et la plupart de ses mises en scène puisent leur matière dans la littérature russe ou autrichienne.

Il a monté ou adapté pour la scène des auteurs tels que Musil (Esquisses de l'homme sans qualités,1990), Dostoïevski (Les Frères Karamazov, 1990, reprise à l'Odéon en janvier 2000), Rilke (Malte ou le triptyque de l'enfant prodigue, 1991), Thomas Bernhard (La Plâtrière,1992, Extinction, repris à l'Odéon en 2002), Tchekhov (Platonov, 1996), Hermann Broch (Les Somnambules, repris à l'Odéon en 1998), Werner Schwab (Les Présidentes, au Teatr Polski à Wroclaw en 1999), Boulgakov (Le Maître et Marguerite, 2002 ; Odéon ateliers Berthier, 2003) ou Friedrich Nietzsche et Einar Schleef (Zaratustra, 2006).

Depuis 1983, Krystian Lupa enseigne au Conservatoire d'Art Dramatique de Cracovie, où il est doyen de la faculté de mise en scène.

De nombreux prix ont distingué son travail : le dernier en date étant le Prix Europe pour le théâtre, en 2009. Les Somnambules, lui ont valu le XXXVIème Grand Prix de la Critique dramatique et musicale pour le meilleur spectacle étranger.

Noli me tangere, Jean-François Sivadier - Ateliers berthier


Noli me tangere, Jean-François Sivadier :

mercredi 4 mai – 20 h - Ateliers Berthier (XVIIème)


Noli me tangere

de et mise en scène Jean-François Sivadier

avec la collaboration artistique de Nicolas Bouchaud, Véronique Timsit, Nadia Vonderheyden

Décor Jean-François Sivadier et Christian Tirole
Lumière Philippe Berthomé
Costumes Catherine Coustère
Assistante à la mise en scène Véronique Timsit

avec
Nicolas Bouchaud Ponce Pilate, René
Stephen Butel Hérode
Marie Cariès Salomé
Charlotte Clamens Hérodias
Vincent Guédon Narraboth, l'espion
Éric Guérin Jean-Mathieu
Christophe Ratandra Malkathé
Nadia Vonderheyden Un ange, Pascal
Rachid Zanouda Iokanaan

production déléguée Théâtre National de Bretagne, Rennes
coproduction Prospero, Odéon-Théâtre de l'Europe, Italienne avec Orchestre, MC2 : Maison de la Culture de Grenoble, Espace Malraux – Scène nationale de Chambéry et de la Savoie
Créé en janvier 2011 au Théâtre National de Bretagne, Rennes dans le cadre de Prospero, avec le soutien du Programme Culture de l'Union Européenne

Représentations

Durée 2h45


"On servit des rognons de taureau, des loirs, des rossignols, des hachis dans des feuilles de pampre ; et les prêtres discutaient sur la résurrection." Gustave Flaubert

La scène est en Judée, en 26 de notre ère, dans la citadelle de Machaerous. Du haut de ses remparts s’ouvre une perspective imprenable sur la Mer Morte. En se penchant, Hérode le Tétrarque peut en voir miroiter les eaux, et scintiller peut-être les piques et les éperons des troupes que les nomades ont levées contre lui. Le Tétrarque sait-il déjà qu’il va recevoir de la visite – celle d’une fille un peu trop belle, celle d’un homme un peu trop puissant ? Pris entre le désir de l’une et la crainte de l’autre, ce pauvre Hérode risque de perdre la tête – si l’on ose dire…
À l’Odéon, depuis les temps déjà lointains où Italienne avec orchestre faisait asseoir dans la fosse ses spectateurs ravis de se prendre pour des musiciens, nous apprécions le travail de Jean-François Sivadier et de son équipe. Un Lear, un Danton, et une Dame de chez Maxim plus tard, il a plus que confirmé sa stature de metteur en scène. Il nous revient cette fois-ci, accompagné d’une bonne partie des comédiens de La Dame, pour créer l’un de ses propres textes, une bien curieuse machine à jouer qui puise ses ressources chez Wilde et Shakespeare et parcourt une variété de tons allant du lyrique au trivial, voire à la franche bouffonnerie.
De la Salomé de Wilde (écrite directement en français et inspirée, comme on sait, du dernier des Trois Contes de Flaubert), Sivadier a retenu le cadre général de l’intrigue. Une fois encore, Salomé va danser devant Hérode, son beau-père, pour lui arracher le présent qui doit entraîner sa perte : la tête de Iaokanann, dit le Baptiste, sur un plateau d’argent. Et une fois encore, son extraordinaire performance produira l’effet recherché. Mais cette fois-ci, la fille d’Hérodias ne sera pas seule à se donner en spectacle devant le Tétrarque. Une bande d’acteurs amateurs, pour célébrer l’anniversaire du souverain, a préparé à son intention une petite pièce, un miracle naïf et déjà digne du Moyen-Âge, mais malheureusement pour eux, le thème choisi va tomber on ne peut plus mal... Dans ces modestes serviteurs des planches, on aura reconnu des émules de Bottom et de ses compères artisans, ineptes tragédiens improvisés qui égaient le dernier acte du Songe d’une nuit d’été. Mais ils tiennent aussi de la troupe de professionnels qui vient rendre visite à Hamlet, car leur représentation doit également produire un effet politique (comme si Hérode, l’ami des Romains, avait quelque chose de l’usurpateur Claudius…). Différents théâtres, différents désirs se croisent et se recroisent dans ce drame où la lune est comme un trou de serrure où Dieu aurait collé son œil.

à lire Trois Contes de Gustave Flaubert, éd. P.-M. de Biasi, GF-Flammarion, 2009
Salomé d’Oscar Wilde, ill. Aubrey Beardsley, éd. du Héron, 2003